Louis avait négocié de longues minutes avec Finlay, qui avait lui-même négocié avec le plus grand distributeur de disques français. Mais « Monsieur Lebrun » avait été intransigeant : n'étaient invités à ce déjeuner que les membres du groupe et leur agent. « Et certainement pas les petites amies ou autres distractions, nous n'avons pas de temps pour ça », s'était-il permis d'ajouter. Alors que j'étais terriblement gênée par le terme qu'il avait employé pour me désigner, Louis avait tenté un énième argument auprès de Finlay. Mais celui-ci avait préféré laisser tomber, ou le distributeur aurait été agacé avant même de les rencontrer.
C'est ainsi que je m'étais retrouvée seule dès onze heures, dans cette immense chambre d'hôtel vide et fade. J'aurais réellement apprécié quelques distractions, ce matin, car la décision que j'avais prise la veille, au milieu de la nuit, prenant toute la place dans ma tête, et m'a paralysée une bonne partie de la matinée. Mais mon ordinateur me faisait les yeux doux pour que je poursuive le tri de mes innombrables photos, alors en prenant mon courage à deux, je me suis lancée dans cette tâche. Mon contrat avec Elibri prendrait fin dans deux semaines, et je devais leur livrer un nombre raisonnable de clichés. Déterminée, j'ai saisi mon ordinateur et je me suis installée au petit bureau en verre, face à la vue imprenable sur la ville haussmannienne, décidée à me vider la tête en attendant treize heures, sept heures à l'heure d'Atlanta.
Parmi les milliers de clichés que j'avais pris, je ressentais une certaine fierté pour un grand nombre d'entre eux. Outre le fait que mes modèles étaient particulièrement séduisants, surtout l'un d'eux, détenteur des yeux les plus mirifiques que la planète ait connu, la composition était toujours intéressante, l'exposition parfaite et le timing idéal. On voyait parfois les longues boucles de Harry s'envoler derrière lui, ou le micro que Liam faisait voltiger pendant les concerts sans jamais le faire tomber. L'une de mes préférées représentait Louis, tout sourire, aux côtés de Zayn plié en deux par un fou rire certainement déclenché par le premier. Ces instants de vie étaient sans nul doute les plus beaux que j'avais photographié jusque-là. Je les avais rendus éternel.
A cette pensée, l'image de mon tuteur m'est apparue : je n'avais pas appelé Robert depuis mon arrivée en Europe. Comme quoi j'étais peut-être aussi égoïste que ce que disait Chris... J'ai rapidement chassé cette pensée de ma tête, avant qu'elle ne me fasse replonger.
Robert était un véritable lève-tôt. Dès l'aube, il parcourait les rues muni de l'un de ses appareils à la recherche de « la photo parfaite ». A ma connaissance, il ne l'avait jamais trouvée mais il se réveillait avec un nouvel espoir chaque matin.
Je ne m'étais pas trompée : il décrocha à la deuxième sonnerie, au milieu d'un vacarme qui ressemblait au bruit mécanique d'une usine.
– Tina ! s'est-il exclamé. Enfin ! Quel plaisir ! J'ai cru que ma talentueuse ex-assistante ne me rappellerait jamais. Ou pire, qu'elle m'avait oublié !
J'ai souri en le rassurant sur le fait qu'il n'était pas près de quitter ma mémoire. Il m'avait tant appris que je ne pouvais penser qu'à lui à chaque fois que j'appuyais sur le déclencheur. Entendre sa voix m'a fait du bien : je n'avais plus grand monde sur qui compter en Amérique, mais je savais que lui serait toujours là pour moi.
– Alors, raconte-moi tout ! Comment se passe ton petit voyage ? s'est-il intéressé.
– Incroyablement bien, lui ai-je confié avant de me rappeler que nous parlions de photos. Je crois que j'ai fait des progrès sur la composition.
S'en est suivit une longue discussion sur la façon que j'avais de jouer avec les couleurs, alors que Robert était un grand adepte du monochrome. Je lui ai envoyé une dizaine de clichés qu'il a critiqué en tout bienveillance.
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Up and Away
FanfictionTout, dans la vie de Tina Harris, est fade et sans couleur : un métier de photographe publicitaire qu'elle n'aime qu'à moitié, un petit ami qui l'oppresse, une relation que l'amour a déserté, et surtout, une indifférence à sa propre vie qui la suit...