Chapitre 39

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– C'est vrai qu'on sent le changement de photographe... A partir de mai, les photos deviennent plus sombres. On pourra peut-être retoucher les premières.

– Oui, sans doute. La sous-exposition crée une intimité avec le groupe, c'est peut-être plus approprié.

Je hochais de la tête à chacune de leur parole, mais je n'écoutais pas vraiment. Cela ne faisait que vingt minutes que j'étais coincée dans les bureaux d'Elibri, mais j'avais l'impression d'y avoir déjà passé une éternité. La femme en tailleur, qui s'était présentée comme étant la responsable du projet de l'album sur les One Direction, commentait la moindre photo, le moindre détail intéressant ou la moindre erreur que Simon et moi avions faites. Et son assistant, à peine plus âgé que moi, lui cirait les pompes en reformulant tout ce qu'elle disait.

Ma jambe tressautait d'impatience mais je tâchais de ne rien leur montrer, au risque de paraître impolie. Je me souvenais du premier job étudiant de Liz, dans un fast food, où la gérante était odieuse avec ma sœur ; mon père lui disait : « Tant qu'elle ne t'a pas payé, reste gentille avec elle. Après, tu peux l'envoyer chier comme tu veux ! » Ma mère lui avait donné une petite tape sur l'épaule, mais Liz et moi riions déjà aux éclats.

– Bien, je crois que nous pouvons vous féliciter, vous et Monsieur Mitchell pour ce travail bien abouti ! a approuvé la dame au tailleur. C'est exactement ce que nous recherchions.

Je l'ai remerciée d'un sourire, et j'ai commencé à rassembler mes affaires avec une seule idée en tête : sortir de ce bâtiment pour le retrouver et...

– Est-ce que vous aviez réfléchi à des photos pour la couverture et la quatrième de couverture ?

Je me suis rassise aussitôt dans un soupir silencieux. Ça n'en finira donc jamais ?

J'ai respiré calmement : Louis ne s'envolerait pas comme ça. Il attendrait jusqu'à la fin de mon rendez-vous. Et il avait plutôt intérêt, au vu de ce que je m'apprêtais à lui annoncer !

– Oui, Simon et moi avons créé un dossier avec une vingtaine de suggestions. Mais bien sûr, ce ne sont que des propositions.

– Ah, effectivement. « Cover »... a-t-elle lu sur son ordinateur avant de cliquer sur le dossier en question.

Mes doigts tapotaient mes cuisses à répétitions et l'assistant l'a remarqué. Il a braqué ses yeux translucides sur moi et je me suis arrêtée immédiatement en lui lançant un sourire innocent.

L'analyse de chaque photo a encore duré une demi-heure. Je me suis efforcée de m'investir un minimum pour ne pas m'attirer les foudres du jeune homme de l'autre côté du bureau. J'ai expliqué nos choix, les raisons pour lesquelles nous avions préférés des images « vraies », prises sur le vif, à des clichés poussés par le management et pleines des mensonges qu'il faisait avaler aux fans.

– Cet album, c'est pour montrer la vraie vie du groupe, ai-je argumenté. Le reste, les fans le connaissent déjà ! Elles ne veulent pas savoir que Liam est le papa du groupe ou que Louis est un clown, elles veulent savoir ce qu'ils sont au fond. Ce que les autres ne voient pas.

Le regard brun de la femme est passé de mon visage à l'image affichée sur son écran : prise par Simon au Brésil, elle montrait les garçons assis sur la plage. Liam se jetait sur Niall qui riait à pleins poumons, le visage déformé par son immense sourire. Louis et Zayn, le regard pensif tourné vers l'océan, semblaient au cœur d'une des discussions philosophiques auxquelles m'avait habituée le basané. Quant à Harry, une boisson fraîche à la main, il observait le ciel avec cet air candide qui rappelait son si jeune âge.

Up and AwayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant