Mes doigts tapotaient doucement la surface de l'eau claire, dessinant des petits cercles qui s'élargissaient jusqu'à se fondre dans le mouvement de l'onde. J'étais fascinée par cette petite goutte qui refusait de se détacher de mon index lorsqu'il se trouvait à un millimètre de la limite, comme si elle était collée à lui. Je déplaçais mon doigt, et la goutte suivait, un coup à droite, un coup à gauche.
Les lueurs encore matinales perçaient non sans peine la condensation des grandes fenêtres. Plus tôt, j'avais aperçu qu'elles donnaient sur la mer, mais il n'était désormais plus possible d'y voir quoi que ce soit. Même l'air de la pièce s'était chargé de buée, particulièrement au-dessus de la baignoire en marbre ancien où reposait mon corps.
Si lui flottait dans l'eau, mon esprit flottait dans un rêve. Comme un nuage duquel il refusait de descendre depuis la veille au soir. Un nuage de bien-être plus doux que tout ce que j'avais pu imaginer. L'évidence se confirmait : jamais je ne m'étais sentie si détendue qu'en ce matin, nue et abandonnée sur le corps de Louis.
Muets, épuisés de cette fatigue si délicieuse d'une nuit de rêve éveillé, nous errions ensemble dans un repos serein. Sa respiration était lente, silencieuse ; j'aurais pu croire qu'il dormait s'il ne caressait pas de ses pouces mes hanches, qu'il retenait pour que je ne lui échappe pas. Le dos contre son torse, je savourais cet apaisement, le calme qui régnait dans mon esprit, malgré les émotions si fortes que j'avais vécu au cours de la nuit. Encore deux mois plus tôt, je ne pensais pas qu'un tel soulagement puisse exister. Mais il était bien réel : il suffisait de trouver la bonne personne.
Semblant sortir du sommeil, Louis a inspiré, s'est étiré et a enroulé ses bras autour de mon ventre pour me serrer contre lui. Amusée, j'ai posé ma tête sur son épaule en renforçant son étreinte.
– Ma Signorina ? a-t-il demandé d'une voix éraillée, sur un ton sérieux qui m'a étonnée.
Je me suis tournée légèrement pour pouvoir le regarder, mais ses yeux étaient fermés.
– Qu'est-ce que tu feras, après ?
– Après quoi ?
– Après ces vacances...
J'ai soupiré, faisant tourbillonner les petites particules de vapeur. J'avais tenté d'y réfléchir au cours des derniers jours, mais j'étais tellement happée par la magie de ce que je vivais que je n'avais pu y trouver de réponses. Au début du contrat avec Elibri, je m'étais convaincue que ce n'était qu'une parenthèse, une aide temporaire apportée à Simon Mitchell. Je n'aurais jamais cru me découvrir une autre vocation que celle de photographe publicitaire... Et désormais, l'idée de retourner au studio avec Robert ne m'enchantait plus tellement.
Pour toute réponse, j'ai haussé des épaules.
– Je vais sûrement chercher autre chose... Je ne sais pas encore exactement.
– Mais est-ce que tu...
Louis n'a pas fini sa phrase. Les yeux toujours fermés, la tête en arrière contre le rebord de la baignoire, il semblait, lui, bien plus soucieux que moi dans cet instant d'intimité. Son visage aux rides d'inquiétude au coin de ses yeux m'a serré le cœur. Sa lèvre inférieure, toujours souriante de malice, se retroussait avec résignation. J'ai enlacé mes doigts aux siens, contre mon ventre, cherchant à comprendre ce qui pouvait bien le tracasser.
– Non, rien... Pardon... a-t-il fini par céder.
De plus en plus intriguée par l'hésitation de celui qui ne doutait jamais, je me suis écartée de lui, me suis dégagée de ses bras pour me retourner et le regarder en face. Ses yeux se sont enfin ouverts et se sont posés sur moi avec le regard suppliant de celui qui préférait ravaler ses mots, ne les avoir jamais exprimés pour que je ne cherche pas à en savoir plus. Mais il était hors de question qu'il en reste là.
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Up and Away
FanfictionTout, dans la vie de Tina Harris, est fade et sans couleur : un métier de photographe publicitaire qu'elle n'aime qu'à moitié, un petit ami qui l'oppresse, une relation que l'amour a déserté, et surtout, une indifférence à sa propre vie qui la suit...