Chapitre 44

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Ma mère avait raison : les couchers de soleil depuis la petite crique de Litrano étaient vraiment les plus beaux. Autour de moi, il n'y avait pas un bruit. Seul le murmure du vent effleurant la surface de l'onde, et celui des vagues caressant le sable doré. Parfois, le chant d'un oiseau au-dessus de moi, ou d'un enfant à une fenêtre. Des mélodies à la fois inconnues et étrangement familières. Comme si elles avaient toujours fait partie de moi et que mon cœur en connaissait déjà la moindre note.

Face à moi, le ciel s'embrasait. Le bleu pastel se dégradait en jaune puis en un rouge incandescent à l'horizon, semblant mettre le feu aux vagues qui se formaient au loin. Pas un seul nuage ne venait ternir ce paysage des plus oniriques.

Pas un seul nuage dans mon esprit non plus. Un immense ciel clair. L'infini des possibles à perte de vue. Les cumulus passés planaient encore, en souvenir des orages d'autrefois, mais la brise les portait au loin. Aujourd'hui, j'avais levé la voile vers un nouveau port.

J'avais mis du temps à accepter de larguer les amarres. Mon ancre d'indifférence et de solitude me convenait, jusque-là, et la haute mer me faisait trop peur. Mais les vents avaient tourné. Ils n'étaient pas aussi dangereux que je ne le craignais. Ils promettaient de me conduire à des terres bien plus fertiles que celle que je quittais. Des terres où je trouverai un nouvel ancrage, sans pour autant oublier mes racines.

Voilà où j'en étais arrivée, après cette douce journée de mémoire. La visite de la maison bleue aux volets blancs de ma mère était la dernière page à tourner de l'ancienne histoire. Désormais, plus rien ne me rattachait à ce pan douloureux du passé : ni deuil, ni Chris, ni haine envers moi-même. La page était blanche. Mieux : j'avais un nouveau livre à écrire, une sorte de second tome, dont le personnage masculin venait de prendre place à mes côtés.

Plongée dans mes pensées, je ne l'avais pas entendu arriver. J'ai cependant rapidement senti sa présence qui m'a ramenée la réalité. Sans un mot, il s'est assis à ma gauche sur le sable et a contemplé le brasier à la surface de l'eau. De longues secondes sont passées, durant lesquelles son souffle s'est ajouté à ma mélodie pour la magnifier.

– Je crois que c'est une chance d'avoir des origines italiennes, a souri Louis en désignant le soleil qui disparaissait dans la mer. Elle t'a vraiment laissé le plus beau des héritages.

J'ai acquiescé d'un sourire, fière du sang qui coulait dans mes veines. Puis, après quelques instants, j'ai murmuré, à peine plus fort que le vent :

– Merci.

Louis a quitté l'horizon des yeux pour décrypter mon regard. Ses sourcils se sont froncés pour former une petite ride entre ses yeux. Je me suis alors demandé s'il était possible d'aimer quelqu'un jusqu'à la moindre de ses rides.

Devant son air toujours surpris, j'ai admis, l'émotion teintant ma voix :

– Sans toi, je n'aurais jamais vu cet héritage.

Son étonnement a laissé place à un de ses sourires doux qu'il n'adressait qu'à moi. Ne trouvant pas de mots pour répondre, Louis s'est rapproché de moi et a entouré mes épaules de son bras. Sans hésitation, j'ai posé ma tête contre son torse.

Ainsi blottie contre lui, son corps me protégeait du vent. Et en même temps, il était la brise qui battait dans mes voiles, celle qui m'emportait loin, avec lui.

Après quelques secondes de silence bercé par le bruit de l'écume à nos pieds, je lui ai demandé comment s'était passé sa journée au festival de peinture. Tout contre mon oreille, il m'a raconté, à voix basse :

– Je ne pensais pas aimer autant. Je ne connais rien à la peinture, mais ça m'a fasciné... La précision des artistes, leur inspiration... Vraiment passionnant !

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