Chapitre33

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Elle avait été là, elle aussi. Peut-être quelque part, sur cette place que je voyais au loin, ou dans cette rue qui s'étendait à l'entrée de l'hôtel. Elle avait foulé ces pavés, connu chaque endroit de cette ville. Si elle avait été là, elle aurait pu me raconter ce qu'elle avait visité, où elle avait rencontré mon père, ou son marchand de glace préféré. Elle m'aurait montré tout ce qu'elle avait toujours voulu nous montrer. Elle m'aurait prise par la main, Liz par l'autre et nous aurait guidé au travers de sa mémoire et de sa jeunesse.

Lasse de me l'imaginer aux quatre coins de la ville, j'ai levé les yeux vers l'endroit où elle devait se trouver à présent : au milieu des étoiles, indénombrables au-dessus de ma tête. Je m'étais promis de ne pas me tourmenter avec les souvenirs aujourd'hui, et j'y étais parvenue, du moins jusqu'à la fin du concert. Mais en traversant Rome, encore envahie par l'euphorie du spectacle, j'avais été frappée par une lourde nostalgie qui m'avait prise à la gorge. J'avais réussi à garder un semblant de sourire jusqu'à l'hôtel, mais une fois dans ma chambre, j'avais été incapable de penser à autre chose qu'à elle. Alors j'étais sortie, une fois encore, sur la terrasse qui surplombais toute la ville, d'où je la figurais ici et là.

Je voulais bien croire Liz qui m'affirmait que je devais passer à autre chose pour aller mieux. Mais pour le moment, je n'avais pas encore trouvé le moyen de le faire. Comment accepter l'inacceptable ? Comment laisser partir celle qui disait être toujours là pour moi ?

Prise d'une vive douleur dans tout le corps, j'ai refermé mes bras autour de moi, enfonçant mes doigts dans ma chair. J'ai imaginé que ma chaleur était la sienne, et qu'elle me murmurait, au creux de l'oreille « Je suis toujourrrs là, ma Tina. ». Et j'aurais tant aimé que ce soit vrai...

– Peut-être, lui ai-je répondu. Mais c'est toi qui aurais dû me faire visiter Rome. Alors pourquoi tu n'es pas là ?

Attendant une réponse qui ne semblait pas tomber du ciel, j'ai soupiré. Je ressassais toujours les mêmes phrases, les mêmes pensées depuis plusieurs jours. Et pourtant, ça ne la ferait pas revenir. Peut-être que c'était ça que voulait dire ma sœur : je devais arrêter de l'imaginer, de lui parler, d'attendre quoi que ce soit de la part de l'au-delà. Mais si ce matin encore, cela me semblait possible, j'avais désormais l'impression que jamais, je ne pourrais la laisser partir. Et pourquoi, après tout ? Elle était tout ce qui me rassurait le mieux, la personne qui me conseillait et me connaissait parfois mieux que moi-même : pourquoi devrait-elle partir ?

Sentant les larmes menacer de couler, j'ai frotté mon visage pour les faire partir, quand soudain, une voix m'a fait sursauter.

– Une marinière ? Très français, mais très sympa.

Nul besoin de me retourner pour savoir qui se permettait de donner son avis sur mon t-shirt à rayures, ni pour reconnaitre cette voix empreinte de malice.

J'ai soupiré, agacée d'être dérangée dans un moment si intime, d'autant plus par lui. Je l'ai entendu s'approcher dans mon dos, et j'ai dû me retenir pour ne pas m'enfuir en courant. Après qu'il m'aie humiliée à coups de fausses promesses chantées, je n'avais plus vraiment envie de rester en sa compagnie. Il ne me restait plus que quelques jours, je devais tenir le coup. Il ne me ferait pas retomber une nouvelle fois.

Louis s'est accoudé à la balustrade juste à côté de moi. Lorsque la chaleur de son bras a atteint le mien, des lumières rouges se sont allumées dans mon cerveaux : « Alerte, Louis Tomlinson beaucoup trop proche ». Je savais que j'aurais dû m'éloigner, pour mon propre bien, mais quelque chose m'en empêchait. Le même sentiment que lorsqu'il m'avait retrouvé dans ma chambre, la veille, ou pendant la répétition le matin-même. Un sentiment si contradictoire qui me hurlait à la fois de m'éloigner de lui et de me perdre dans ses bras.

Up and AwayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant