Up and Away

Chapitre 2

Au petit matin, lorsque je me suis levée, Chris n'était plus là. Le lit était vide, et personne dans l'appartement. Son sac n'était pas à sa place, alors je ne me suis pas inquiétée : il était parti au travail.

A cette pensée, ma discussion avec Simon m'est revenue à l'esprit. Je partais cet après-midi pour l'Allemagne. Assise dans les draps défaits, j'ai soupiré. Et pourtant, sans savoir pourquoi, j'étais bien. Comme si j'avais attendu ce jour toute ma vie. Je m'envolais vers un endroit inconnu, avec pour seul acolyte mon appareil photo.

J'ai appelé Robert. Lui dire que je partais n'était pas simple. Il m'avait accueillie deux ans plus tôt avec une gentillesse et une bienveillance que je n'avais vues nulle part ailleurs. Il m'avait rendue encore meilleure photographe. Lui dire au revoir n'était pas une chose facile, mais il ne m'en a pas voulu.

– Si c'est ce que tu veux faire, alors vas-y, m'a-t-il indiqué. Je ne veux pas te retenir. Je suis vraiment content pour toi si tu as trouvé quelque chose qui te passionne.

– Je t'appellerai pour te raconter comment ça se passe ! lui ai-je promis. Et je passerai te voir dès que je rentre pour te montrer.

Au moment de raccrocher, une petite boule de tristesse s'est formée dans ma gorge. De tous les gens que je laissais ici, Robert était sûrement celui qui allait le plus me manquer au quotidien.

J'ai aussi prévenu mon père, ainsi que ma sœur, Liz. Tous deux étaient très contents pour moi. J'ai promis à mon neveu Tom de lui ramener un cadeau d'Europe. C'étaient les seules personnes que j'avais à prévenir. Cela faisait trop longtemps que je n'avais pas vu mes amis pour qu'ils s'inquiètent de ce que je faisais, et Caroline, ma meilleure amie, était prise dans un gros projet au cœur du Tibet, elle ne répondait plus au téléphone depuis des semaines.

Après m'être renseignée sur le climat européen entre mai et juin, j'ai fourré plus de la moitié de ma garde-robe dans une grande valise. J'ai d'abord pensé à prendre seulement les objectifs dont j'avais besoin, mais incapable de choisir, j'ai glissé tout mon matériel photo dans mon grand sac prévu à cet effet.

Mon avion décollait à quinze heures. Chris n'est pas rentré manger à l'appartement à midi. J'ai d'abord pensé à lui envoyer un message pour m'excuser de lui faire ça, mais je n'allais pas revenir sur ma décision, alors ça n'aurait fait que remuer le couteau dans la plaie. J'avais espoir qu'il vienne me dire au revoir à l'aéroport en s'excusant de m'avoir ignorée avant mon départ, qu'il me dise que j'allais lui manquer et qu'il viendrait me voir quelques jours en France, au Royaume-Uni ou dans n'importe quel pays.

Il n'est pas venu. J'ai attendu jusqu'au dernier moment pour embarquer, les yeux rivés sur la grande allée.

– Quelque chose ne va pas, mademoiselle ? m'a demandé une hôtesse.

– Non... ai-je soufflé. Tout va bien.

– Alors il est temps d'embarquer, l'avion ne va pas tarder à partir.

J'ai acquiescé et suis montée dans l'avion. En fait, je n'étais pas vraiment étonnée que Chris ne soit pas là. Je m'en moquais presque. Il était comme ça. Il me ferait la tête pendant quelques jours puis viendrait s'excuser. Je le connaissais bien maintenant, et ses petites bouderies ne me faisaient aucun effet. J'attendais que ça passe sans revenir sur le sujet, je me taisais quelques jours et faisais en sorte que tout se passe pour le mieux.

J'avais horreur des disputes, les rares que nous avions eu ne s'étaient pas bien finies. Un jour, Chris et moi nous étions violemment pris la tête dans une fête foraine, et j'avais eu le malheur de lui répondre. Au milieu des auto-tamponneuses, sa colère avait été telle qu'il m'avait ordonné de descendre alors que le tour venait de commencer. Terrifiée, j'avais mis un pied hors de l'auto, mais un choc l'avait envoyée percuter ma cheville. Sous la douleur, j'étais tombée, et avais reçu de nombreux coups par les voitures lancées à pleine vitesse. Chris n'avait rien vu et avait continué de s'amuser tandis que, le souffle coupé, je n'arrivais même plus à prononcer son nom.