Chapitre 46

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Plus de cinq semaines que je n'avais pas mis les pieds à Atlanta. Elles étaient passées si vite, et en même temps, j'avais l'impression d'avoir vécu une vie entière en à peine un mois et demi. Pourtant, ici, rien ne semblait avoir changé. Les touristes étaient un peu plus nombreux qu'à mon départ, s'entassant à l'enregistrement des bagages, et la climatisation tournait à plein régime, preuve qu'ici aussi, l'été arrivait en grande pompe.

L'aéroport était sans doute l'un des lieux les moins personnels qui existent, d'autant moins pour moi qui l'avais si rarement fréquenté. Mais devant tous ces panneaux « Welcome to Atlanta », ces hôtesses à l'accent américain et la démesure qui caractérisait mon pays natal, je me sentais un peu chez moi. Un peu seulement, car si son chez soi était l'endroit où l'on se sentait plus heureux que nulle part ailleurs, alors je l'avais quitté presque quinze heures auparavant, en lui faisant la promesse de revenir rapidement.

Cependant, il y avait quelque chose de rassurant au fait de connaître les lieux, et surtout à savoir que je retrouvais bientôt ma famille. Ce n'était plus l'inconnu ; pour une fois, je savais où j'allais.

Je cherchais un peu au hasard dans la foule, sans trop savoir où aller, quand une tête blond vénitien s'est projetée contre moi et m'a étouffée.

– Tinaaaa ! a hurlé Caroline à m'en vriller les tympans et ceux de tous les voyageurs.

– Aïe... Caro... Moi aussi, je contente de te voir mais...

– Oh, t'es pas drôle ! Ça fait des mois qu'on s'est pas vu, j'ai bien le droit à ma dose de câlins, non ?

Sachant que je n'aurais jamais gain de cause face à elle, j'ai laissé tomber et accepté son étreinte un peu excessive. Je n'avais jamais été tactile, pas même avec elle, mais pour une fois, ce câlin m'a fait plaisir. Elle m'avait sincèrement manqué.

Puis, aussi vite qu'elle m'avait sauté dessus, Caroline m'a pris ma valise des mains et s'est mise en route.

– Bon, avant toute chose, tu n'as aucun impératif pour les heures qui viennent ?

– Non, ai-je réfléchis rapidement. Je dois juste être chez mon père pour le dîner.

– Parfait ! Ça nous laisse le temps d'aller boire un coup au Yellow !

Et sans attendre ma réponse, elle m'a prise par le bras et m'a guidé vers la sortie.

Le Yellow était le bar de nos années universitaires. Pas celui branché où avaient lieu toutes les soirées, mais un beaucoup plus petit et cosy où les plus studieux avaient pour habitude de venir travailler leurs examens. En vérité, Caroline m'y trainait surtout pour repérer les beaux intellos, parce que « Ça a quelque chose de sexy, un gars intelligent ».

Ici non plus, rien n'avait changé depuis trois ans. Les banquettes jaunes et rustiques l'étaient encore plus et méritaient vraiment un coup de vernis, mais tout était intacte. J'ai commandé la même limonade qu'à ma vieille habitude, et une fois que la serveuse est partie, Caroline a tapé du plat des mains sur la table.

– Alors ? s'est-elle exclamée.

– Alors quoi ?

– Alors tu m'as laissée sans aucune nouvelle pendant une éternité et puis tu m'appelles en me demandant de venir te chercher à l'aéroport après avoir pris un avion en provenance de l'Italie, ce qui, de mémoire, n'était pas du tout prévu dans ton voyage initial ! J'attends donc des explications ! Pourquoi est-ce que tu étais en Italie ? Et surtout, a-t-elle ajouté avec un regard curieux, avec qui ?

J'ai soupiré devant son énergie si débordante et sa faim dévorante de ragots. Mais elle n'avait pas tort : je l'avais un peu délaissée depuis ma dernière soirée avec Louis à Londres. Elle avait loupé un certain nombre d'épisodes.

Up and AwayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant