Depuis que j'avais commencé à exercer mon métier, il ne m'avait jamais été difficile de me lever. Je grognais parfois en entendant le réveil, mais rien qu'en pensant à ce que ma journée me réservait, je sautais du lit. Mais ce matin, ça n'avait jamais été aussi facile.
Nous étions arrivés la veille en Grèce, pour y rester quatre jours consécutifs. L'hôtel, en dehors de la ville, donnait sur les iconiques baies de calcaire et leurs eaux bleu sombre. Lorsque j'avais lu cette étape sur mon planning, je n'avais pas songé un seul instant que je me retrouverai projetée dans un rêve éveillé. Face à la magnificence du paysage, je m'étais jetée sur mon téléphone pour envoyer une photo à mes deux américaines préférées : Liz et Caroline. Ma sœur m'avait répondu par une photo de son bureau où s'entassaient de la paperasse et des monticules de dossiers bien moins agréables que mon travail à moi.
Puis j'avais envoyé la même photo à mon père, à qui je n'avais donné aucune nouvelle depuis mon départ. Lui comme moi n'étions pas de nature bavarde, et moins encore depuis l'accident dont le choc émotionnel l'avait rendu presque muet. Selon ma sœur, son état s'était un peu amélioré ces derniers mois, ce que me confirma le petit smiley souriant qu'il m'a envoyé, suivi des mots « Bonne journée ».
Je m'étais réveillée assez tôt, tirée du sommeil par le vent entrant par ma fenêtre laissée ouverte, et j'avais passé dix bonnes minutes à admirer la vue depuis ma chambre. Une petite crique privée s'étendait juste derrière l'hôtel, ornée d'arbres méditerranéens. Plus motivée que jamais, j'avais enfilé un legging et un sweat, saisi mon ordinateur, et je m'étais installée sur la terrasse de l'hôtel pour travailler un peu mes dernières photos.
Distraite par le bruit de la mer, je songeais à Robert, et à son assistant qui devait être aux anges depuis mon départ. A l'époque, j'étais persuadée que ce métier était fait pour moi et que je ne trouverai jamais mieux. Quant à lui, il pensait que je resterai avec lui jusqu'à son départ à la retraite pour que je reprenne son affaire. Il fallait croire que nous nous voilions la face. Il avait suffi d'un seul petit coup de téléphone, un soir de mai, de la part de l'ancien major de ma promo pour me faire virer de bord. Si j'avais su, en entrant à la fac, que cette petite tête de premier de la classe en chemise et chaussure cirée changerait ma vie si facilement, j'aurais probablement déménagé sur le champ, trop terrifiée par l'inconnu que cela m'amènerait.
Mais jamais je n'aurais connu ça : le vrai bonheur. Je savais bien que les palmiers étaient éphémères, mais leurs souvenirs ne l'étaient pas. Sans Simon Mitchell, je n'aurais jamais voyagé si loin de chez moi, visité tant de pays en si peu de temps, et je ne me serais jamais rendu compte que ce métier me passionnait infiniment plus que le précédent.
Je n'aurais jamais rencontré le garçon qui hantait toutes mes nuits et qui m'avait fait plus sourire en trois semaines qu'en vingt-trois ans d'existence.
J'ai noté dans un coin de mon esprit de remercier Simon une fois de retour à Atlanta, et de passer voir Robert pour lui montrer l'intégralité de mon travail, du moins si Elibri me le permettait.
Mais voir Robert, ce serait aussi, comme il me l'avait dit, « parler de la suite ». Aussi dit, si je revenais avec lui, au studio. Et ça, je n'y avais pas encore réfléchi. A vrai dire, tout ce qui concernait mon retour m'angoissait. Retrouver les rues de ma ville, aller chercher mes affaires chez Liz, mettre fin à mon contrat avec Elibri, et surtout, dire au revoir aux garçons. Je repoussais mes réflexions à ce sujet de plus en plus, mais l'échéance se rapprochait : dans dix jours, les One Direction donnerait leur dernier concert à Milan. Puis je passerai à Londres pour rendre tout mon travail à la maison d'édition. Et tout serait fini.
VOUS LISEZ
Up and Away
FanfictionTout, dans la vie de Tina Harris, est fade et sans couleur : un métier de photographe publicitaire qu'elle n'aime qu'à moitié, un petit ami qui l'oppresse, une relation que l'amour a déserté, et surtout, une indifférence à sa propre vie qui la suit...