Chapitre 34

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Laurie :

Je m'en veux. Qu'est-ce que je déteste la moi de 15 ans, qui passait son temps à penser que tout le monde l'a détestait et qu'elle valait mieux que le monde entier ! J'ai failli perdre une personne de plus, qui, je ne le réalise que maintenant, compte beaucoup à mes yeux. En voyant Phil arriver, en redécouvrant son sourire et son regard doux, tous les souvenirs sont revenus. Je n'ai pas pu m'empêcher d'imiter mon frère en le prenant doucement dans mes bras, émue de ces retrouvailles inattendues. Je surprends le regard empli de tendresse avec lequel le vieil homme me couve, et je souris en repensant à mes motivations. Je sais que j'ai été une vraie pimbêche avec beaucoup trop de gens, que je me suis comportée comme une pourrie gâtée, et que j'ai été terriblement injuste avec mes frères, mes parents, nombres de mes proches, et même avec des inconnus. Je le sais, j'ai appris à le comprendre, puis à l'accepter. Et j'ai même réussi à changer ce dégoût de moi-même en un objectif concret. Je veux devenir psychologue, pour guérir d'autres adolescents, filles ou garçons, qui ne sont pas capables de prendre conscience de leur influence toxique et violente. La même chose pour les adultes qui n'ont pas eu la même chance que moi de trouver des personnes assez gentilles et bienveillantes pour m'ouvrir les yeux sur la réalité de ma personne, malgré tout ce que j'ai pu leur faire endurer.

- " Tu es devenue une très jolie jeune femme, Laurie. " me complimente Phil, sans lâcher mes mains.

Je le remercie d'un sourire, et je l'invite à s'installer avec nous, s'il a le temps. Il lui suffit de scander un ordre au barman pour que ses employés prennent le relais. Alors, une fois que tout est dans l'ordre, il s'installe sur une chaise, en bout de table, et nous dévisage l'un après l'autre avant de s'arrêter sur les yeux troublants d'Ian.

- " Ian, c'est bien ça ? "

Il acquiesce, un peu embarrassé. Je souris. Ce garçon est vraiment mignon, je comprends parfaitement pourquoi Finn a craqué pour lui. Je me demande comment ils se sont rencontrés, puis mis ensemble. Il faudrait que je pose la question à mon frère, mais pas maintenant, pour l'instant, je garde ma curiosité dans un coin de ma tête.

- " Tu es un ami de mon petit Finn, je suppose. Vous vous connaissez depuis longtemps ? "

Je souris de voir Finn piqué un fard quand il prend conscience qu'il n'a pas présenté son petit-ami convenablement. Il se râcle la gorge, s'apprêtant à rectifier le tir, mais à mon grand étonnement, c'est Ian qui répond. J'étais persuadé que c'était un garçon introverti de la tête aux pieds, mais il affiche un sourire timide en déclarant avec plus d'assurance que ce qui semble pouvoir sortir de sa bouche :

- " On se connaît depuis plusieurs semaines, maintenant. Nous étions amis, effectivement. Mais Finn est officiellement mon petit-ami depuis deux jours. "

Je constate qu'il a les mains tremblantes, mais Finn les cachent rapidement en les prenant discrètement dans les siennes, avec douceur. Il semble vouloir le rassurer, c'est adorable, surtout venant de la part de mon frère. Et ça marche, puisque je peux voir les épaules d'Ian se détendre, et la lueur de détermination briller plus fort dans ses yeux. Ceux-ci m'ont troublée dès la première fois que je les ai croisés, ils sont d'un bleu étonnant, qui semble changer de nuance toutes les deux secondes. Parfois il vire un peu vers le gris, parfois vers le vert, une autre fois il s'assombrit comme le bleu profond du crépuscule, puis il s'éclaircit comme le bleu illuminé d'un ciel d'été. Les nuances changent selon le point de vue, l'emplacement dans l'iris, et je peux parfaitement comprendre que Finn puisse être happé par son regard. Il suffit de se concentrer un tout petit peu pour pouvoir plonger dans cet océan. C'est d'ailleurs ce qui est en train de se produire pour Phil, qui affiche une expression béate en fixant le jeune garçon. Il finit par reprendre ses esprits, et se tourne lentement vers Finn. Si je devrais avoir une certaine appréhension quant à l'ouverture d'esprit du vieil homme, je n'en ai pas la moindre trace qui se manifeste. Je n'ai pas peur du tout de la réaction de Phil, je suis certaine qu'il est totalement fiable. Le peu de souvenir que j'ai de lui peuvent très vite m'en persuader. Et le ton ému de ses paroles me le confirme tout aussi rapidement.

Un Océan Dans Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant