Chapitre 26

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Flashback d'Ian 9 mois et 27 jours plus tôt :

Je me suis réveillé il y a maintenant deux semaines dans un lit d'hôpital. Les médicaments anti-douleurs m'ont épargné pour la première fois depuis longtemps, et la guérison est en bien meilleure voie que d'habitude. Je suis sorti la semaine dernière, et mon père a été retrouvé il y a quatre jours. La justice n'a pas perdue de temps, et me voilà sur le point de me rendre au tribunal pour le procès. Je devrais en être soulagé, heureux, mais à vrai dire, une boule énorme évolue dans mon ventre. Ce n'est pas que du trac. Je vais devoir raconter, détaillé et décrire sans filtre ce qui a lieu pendant ces dix ans. Je vais devoir affronter les justifications, les mensonges, les argumentations, l'hypocrisie de mon père. Et surtout, je vais devoir accepter le regard de ma mère, de mes frères, de mes sœurs, du publique, et de tous les jurés, le juge, les avocats... J'ai peur.

- " Hey, ça va Ian ? Prêt ? "

Je me retourne vers Sarah. C'est une gendarme incroyable, en plus de me faire sentir en sécurité dès que je suis à ses côtés, elle me défend corps et âme, et c'est grâce à elle que le procès a lieu aussi tôt. Je lui en suis reconnaissant, et une complicité particulière s'est formé entre nous.

- " Euh... Ouais, ouais.

- Non, c'était une question piège. On n'est jamais prêt à affronter un tribunal pour accuser son père. Mais tu vas assurer, mon gars. "

Je lui souris timidement, hochant la tête. J'espère qu'elle a raison. Je redoute de fondre en larmes devant le juge, de m'écrouler en plein milieu d'une phrase. Je redoute les paroles, les descriptions de l'enfer vécu, les photos des preuves, de mon dos charcuté. Même les excuses envisageables de mon père, je les redoute. Je ne supporterais pas de le voir mielleux, hypocrite, se confondre d'excuses sans aucune sincérité. Je crois que je lui sauterais à la gorge.

Je rumine un peu pendant le trajet en voiture vers le tribunal, imaginant tous les scénarios possibles, surtout les pires. Je me triture les ongles, rongeant ce qui reste. Pour essayer de me vider la tête, je regarde le paysage, mais je n'arrive pas à penser à autre chose. Sarah, qui conduit à côté de moi engage la conversation en me voyant trépigner nerveusement.

- " Tu passes quand ton code, toi ?

- Quoi ? Pour conduire ?

- Oui.

- Euh... je ne sais pas, rien n'ai prévu pour l'instant. Et puis je ne sais pas si j'ai vraiment envie de le faire.

- C'est toujours pratique de pouvoir conduire, pourtant.

- Pratique, mais pas très écologique.

- C'est bien de ta génération de penser à ça !

- Heureusement qu'on est là pour commencer enfin à le faire. Si la vôtre s'en était sensibilisé plus tôt, on ne serait pas autant dans la merde.

- Certes ! "

Et elle part dans un éclat de rire. Je ne la suis pas, mais souris quand même. C'est fou que je puisse penser à la planète alors que j'ai bien d'autres choses auxquelles penser. Je ne sais pas trop pourquoi, mais j'ai toujours eu conscience de l'urgence climatique sans vraiment m'en inquiéter. Probablement parce que ma vie était déjà tellement merdique qu'un problème en plus pouvant la détruire ne me fait ni chaud ni froid.

C'est seulement quand je vois se dresser devant moi l'énorme bâtiment abritant le tribunal de la ville que je me crispe. Un flot d'angoisse me fait frissonner, mais je remercie intérieurement Sarah pour avoir réussi à me concentrer sur d'autres pensées jusqu'à maintenant. Cela m'aura épargné quelques minutes de stresse intensif. Mais maintenant, en sortant de la voiture, claquant la portière derrière moi, je me sens fiévreux d'angoisse. J'essaie de cacher mes tremblements à Sarah, mais celle-ci les remarques rapidement. Elle s'arrête à quelques pas de l'entrée, se tourne vers moi et me prend par les épaules.

Un Océan Dans Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant