Chapitre 45

15 1 0
                                    

Finn :

Nous avons enfin engagé la discussion fatidique pour laquelle je lui ai proposé de sortir. Même si c'était le but de la sortie, je suis content d'avoir emmené Ian, ça nous a permis de faire notre premier vrai rencard. Mais maintenant qu'on passe aux choses sérieuses, j'ai l'impression de gâcher l'ambiance. Je me fais violence pour garder une expression impassible, voire heureuse, pour lui permettre de trouver assez de courage. Apparemment, ça fonctionne plutôt bien, malgré ses tremblements qu'il s'efforce de cacher, et que je feins de ne pas remarquer. Ma dernière question semble plus risquée que les autres, il se crispe et reste quelques instants dans ses pensées, comme pour se convaincre lui-même qu'il peut parler. Je m'apprête à rebondir sur un autre sujet pour mettre fin à ce silence insupportable, quand il ouvre enfin la bouche.

- " Pour être honnête, je crois que de grosses crises comme celle-ci, j'en ai environ une par semaine... Ou deux. Mais en dehors de ça... "

Il semble hésiter encore plus à continuer. Son regard fuyant me fait mal, je me sens impuissant devant son mal-être évident. J'essaie de l'encourager des yeux, mais il ne les regarde pas. Je gigote légèrement, frôlant sa jambe en face de moi. Je constate qu'il la secoue anxieusement, sans arriver à contrôler son angoisse. Doucement, j'attrape une de ses mains, l'empêchant de continuer à se triturer les doigts à n'en plus finir.

- " Je t'écoute. " j'ajoute pour l'encourager davantage.

Il me regarde enfin, les iris emplit de reconnaissance. Sous la table, nos mains se serrent délicatement, comme si nos doigts étaient tellement fragiles qu'il fallait les considérer pareils à des ailes de papillons pour ne pas les effriter. Quand il me répond d'une petite voix, il baisse légèrement la tête, se recroquevillant sur lui-même comme s'il s'apprêtait à me dévoiler l'interdit.

- " Je... Je dois t'avouer que si je vais mieux, et c'est surtout grâce à toi, j'allais mal. Et je sais que ce n'est pas finit. Parfois, je vois tout en mal, comme ça, d'un seul coup, j'ai l'impression que... ça ne sert à rien, que je tourne en rond. J'ai peur, Finn. Parce que j'ai beau savoir que ce n'est pas normal, je suis en permanence en train de me convaincre que c'est moi le problème, et que ça n'ira jamais mieux parce que je ne le mérite pas. Mais... "

Je serre ses doigts entre les miens, et ma gorge fait de même en entendant la détresse qui vibre dans ses mots. Je réalise qu'Ian est perdu, qu'il ne sait pas, ni ce qu'il a, ni comment y remédier.

- " J'en ai marre, Finn. J'aimerais que ça s'arrête. Quand j'en suis épargné pendant plusieurs jours d'affilé, comme c'est le cas dernièrement, je m'emballe, je suis d'un coup revigoré et persuadé que tout est fini. Sauf que ça revient, et encore plus fort qu'avant, ça fait encore plus mal, comme pour me montrer que ce n'est en fait que le début. C'est tellement décourageant... Je ne sais pas quoi faire. "

Et moi, je ne sais plus quoi lui répondre. En cet instant, j'espère que tout ce que j'ai entendu dire sur le pouvoir d'une simple présence est vrai. Parce qu'à part la mienne, je suis incapable de comprendre ce dont il a besoin. Ce sentiment d'impuissance provoque en moi une colère sourde, doublé d'un chagrin que je ne sais pas contenir.

- " Tu veux savoir ce qui me fait le plus mal, rebondit Ian les yeux embués, en se redressant. C'est que même si je sais que je ne le suis pas, je me sens seul. Horriblement enfermé dans ma solitude. Si bien que ta présence, ou celle d'une autre personne à mes côtés ne me rassure plus assez. Je sais que ça vous fait du mal à vous aussi, et me dire que c'est moi qui en suis à l'origine me rend misérable. "

Ian n'a pu retenir le flot de larmes, qui sont jusque-là resté coincées en lui, et qui ne demandent maintenant qu'à sortir. Je ne peux pas les arrêter, alors je me contente de lui tenir la main, continuant mes caresses circulaires du bout de mon pouce sur ses doigts. Quand je sens que ses hoquets diminuent, je me redresse, et de mon autre main lui essuie les joues.

Un Océan Dans Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant