Chapitre 43

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Ian :

C'est à regret que je quitte les bras de Finn quand la voiture se rapproche de nous. Il a encore les yeux rougis d'avoir pleuré, mais son sourire est si lumineux qu'il prend le pas sur tout le reste. Je l'observe quelques instants de plus, peut-être de trop puisque, la vitre baissée, le dénommé Arnaud se racle discrètement la gorge comme pour signaler sa présence. Je me tourne vers lui, intrigué. C'est un homme d'âge mûr, arborant une expression on ne peut plus neutre, mais la lueur bienveillante qui plane dans son regard marron laisse deviner sa nature. Même si je le trouve sympathique, je ne peux pas m'empêcher de le trouver intimidant lorsqu'il prend soudain la parole, d'une voix grave mais clair.

- " Bonsoir, jeune homme. Bonsoir, Monsieur Finn. "

Je tique sur l'appellation, et je me pince les lèvres pour ne pas rire. Jamais je n'aurais cru que c'était possible d'entendre un jour quelqu'un appeler mon petit-ami de cette façon. D'ailleurs, Finn est d'accords avec moi sur l'absurdité de la chose, aux vues de sa réaction.

- " Arnaud, arrête de m'appeler comme ça, bon sang ! Ça fait des années que tu me conduis partout où je le veux et que tu gardes notre maison, alors épargne-moi cet excès de zèle, s'il te plait ! "

En voyant le sourire discret mais que je devine taquin du chauffeur, je souris moi aussi. La personnalité réservée d'Arnaud ne l'empêche pas de le rendre chaleureux, et je crois qu'il m'inspire une certaine confiance.

- " Très bien, Finn. Navré de vous... de t'avoir offensé avec ma politesse. Prenez place, je vous en prie. " ajoute-t-il en déverrouillant les portes d'un clic.

Finn m'ouvre la portière, en vrai gentleman, et je me demande si Arnaud sait qui je suis et la relation que j'entretiens avec le fils de son employeur. Pas que je n'ai peur d'une réaction quelconque, parce que je n'ai pas l'impression que ce ne soit son genre.

- " Où est-ce que je vous amène ? " demande Arnaud, toujours aussi calme.

Finn me lance un regard interrogateur, et je bredouille, ne sachant pas vraiment quoi répondre.

- " Est-ce que tu as faim ? " me murmure-t-il, pour m'aider et me signifier que tout allait bien.

Son regard doux me rassure instantanément, et j'acquiesce en silence, ne sachant pas vraiment quoi proposer.

- " Ça te dis qu'on retourne chez Phil ?

- Oui, ça me va. "

Le souvenir du gentil bonhomme m'encourage à accepter, même si la discussion et sa question de ce midi m'a un peu refroidi. De toute façon, c'est de ça dont on va parler, donc autant arrêter de se prendre la tête à garder cette espèce de secret qui ne fait que m'ajouter un poids sur le cœur. Il faut que j'apprenne à en parler plus librement, et que j'arrête de me renfermer et de paniquer autant à chaque fois qu'on évoque juste un peu le sujet. Je médite sur la question tandis que la voiture démarre, après que Finn ait donné l'adresse à Arnaud. Par la fenêtre j'observe les rues et les maisons défiler sous la lumière de plus en plus tamisé du soir. Nous restons silencieux, Finn attrapant discrètement ma main pour la serrer doucement dans la sienne. L'ambiance est tellement sereine que je pourrais m'endormir. Mon copain respecte mon besoin de calme, et je le sens réprimer son envie de parler, surmontant son appréhension face au silence. Je suis fier de le sentir petit à petit se décrisper, accueillant cette absence de son qu'il a habituellement en horreur comme une occasion de se reposer avant de repartir pour notre soirée.

Le trajet en voiture dure une dizaine de minute, et quand on aperçoit la devanture simple du restaurant, je me sens comme revigoré. Finn saute de la voiture, lui aussi pris d'un regain d'énergie à la perspective de retourner dans ce lieu cosy. Alors qu'il m'emmène, me tirant par la main vers la lourde porte d'entrée, je peux voir dans ses yeux son impatience. Je crois que Finn est particulièrement attaché à ce lieu, autant qu'à Phil. Alors je me fixe pour objectif de faire de ce joli restaurant un lieu où je trouverais la paix en y entrant, un endroit qui, dès que je passerais le seuil, m'enlèverait tous les poids qui me pèse sur le cœur pour garder uniquement les sentiments agréables et les bons souvenirs. Lorsque nous y entrons, ma main est toujours dans celle de Finn, et nous découvrons le restaurant sous une nouvelle perspective. Effectivement, la nuit tombante a obligé le personnel à allumer toutes sortes de petites lanternes, dans tous les coins, qui dégagent une lumière tamisée et qui accentue l'ambiance particulière du lieu. Finn est tellement aux anges que je ne peux que sourire moi aussi. Sur le tableau de présentation, on peut lire que le resto ne ferme qu'à 21h, et l'horloge accroché au-dessus du bar nous indique qu'il n'est que 19h30. Contre tout attente, les tables sont plus occupées que ce midi, alors que nous sommes un lundi soir. Le rire fort d'une femme retentit, il est si contagieux qu'il sème les sourires à travers la salle, comme un souffle de bonheur léger qui survole imperceptiblement la pièce. Je ne m'attarde pas sur les clients, car je vois déjà Dylan s'approcher.

Un Océan Dans Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant