Un Océan Dans Les Yeux

Chapitre 46

Ian :

Je me fige en entendant l'exclamation dans mon dos. Et en voyant le visage fermé de Finn, je devine qu'il trépigne déjà de rage. Moi, je ne sais pas vraiment comment réagir. Mais ce qui est sûr, c'est que la colère est présente, et qu'elle monte encore et encore. Je voudrais dire quelque chose à Finn pour le raisonner, mais il règne comme un silence gênant dans la pièce. Quand je comprends que nous ne sommes pas les seuls à avoir entendu, mais que personne ne semble parti pour réagir, je me sens mal au point d'en trembler. Ne pouvant pas parler tant ma gorge est serrée, je ferme un instant les yeux. Seul résonne dans la salle les rires mauvais des personnes assises à cette fameuse table. Soudain, fuse une autre phrase, en réponse à celle d'avant.

- " Dans quel monde on vit ! Il faudrait tous les soigner, ces pédés, avant qu'ils ne donnent trop d'idées à nos enfants. "

Cette fois-ci, je laisse la rage se développer en moi, j'en tremble et serre les poings, toujours de dos. La tête baissée, je sens que Finn contracte tout ses muscles sous la rage. En comprenant qu'il s'apprête à se jeter sur eux, je me calme légèrement, et ose enfin bouger. Je pose une main sur son bras, pour lui signifier que ça ne sert à rien d'user de la violence. En voyant son air surpris, je crois comprendre qu'il a pensé que je tremblais de gêne, ou de peur, et qu'il était parti pour me protéger. Ça veut aussi dire que ma colère est visible sur mon visage, dans mes yeux.

Alors que les ricanements redoublent, je suis bien décidé à ne pas rester sans rien faire. Certes, je ne dois pas non plus me laisser dépasser par la rage sourde qui bouillonne en moi, mais ça ne veut pas dire que nous sommes obligés de faire profil bas. Hors de question d'en rester là. Sous ma main, je sens que Finn se détend, et ça me suffit pour me dire que c'est à moi de jouer. Lentement, je me tourne. Quand je croise le regard de l'un des trois hommes, je vois son trouble, même s'il essaie de le cacher. La rage me brûle, mais je la contiens, tout en sachant que mes yeux en sont remplis. Apparemment, mon expression ne les laisse pas insignifiants. En prenant le temps, je passe de l'un a l'autre, et ressens une petite bouffée de satisfaction en surprenant leurs frissons sous mon regard glacial. Les deux femmes baissent les yeux en un rien de temps, mais les hommes se font plus entêtés.

- " Quoi, t'as un problème, gamin ?! " me lance l'un d'eux.

Sans plus hésiter, je m'avance, lentement, et je mets tous mes efforts dans la froideur de ma démarche. Arrivé à un mètre de la table, j'ouvre la bouche, et prend la parole sans sourciller le moins du monde, la voix grave mais plus net que jamais et le visage aussi impassible que possible.

- " Oui, j'ai un problème, et qui se trouve être d'une importance particulière. "

L'homme éclate d'un rire gras, ce qui redonnent confiance aux autres qui le suivent en ricanant.

- " Non mais il se croit où, ce petit fils de salop ? " s'exclame un autre homme. 

L'ironie de l'insulte me provoque un rictus. Sans m'en dépourvoir, je reprends la parole, regardant droit dans les yeux mon dernier interlocuteur.

- " Que mon père soit un salop, ce n'est pas la question, cher monsieur. Car, j'ai le regret de vous l'annoncer, mais mon fameux problème, c'est vous. Et non, je ne vous permettrais pas de répliquer quoi que ce soit, parce que je crois que vous êtes actuellement très mal placé pour me traiter de connard bavard, vous ne croyez pas ? " j'ajoute, en le coupant dans son élan.

Choqué de mon audace, ils mettent tous un petit temps à réagir. Puis l'homme le plus excité ouvre la bouche pour s'indigner, mais je saute sur l'occasion, nullement impressionné par son élan pour se lever.