Chapitre 40

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Ian :

Mon instant d'absence, perdu dans mes pensées, a suffit à Laure pour qu'elle prenne la grosse tête. Et après ces quelques secondes passé à faire le tri dans mon esprit, je me retrouve à nouveau face à elle, plus lucide quant à ma situation. Nous sommes dans le couloir de l'entrée, derrière Laure, un mur et la porte de la cuisine, derrière moi, l'autre mur et l'accès à la pièce de vie, à ma gauche, la porte d'entrée. Dans ma main, mon téléphone avec l'enregistreur toujours allumé, dans sa main, des tremblements qui semblent hésiter entre la peur et la satisfaction. Lorsque j'inspire profondément, je prends subitement conscience que j'avais retenu ma respiration depuis les dernières paroles de ma tante, et que je commençais à suffoquer inconsciemment. Décidément, Laure sait vêtir ses paroles d'une perspicacité cruelle. Elle a su très vite où taper là où ça fait mal. Mais c'est avec les idées et l'esprit plus lumineux que je relève légèrement le menton, comme si mon corps reprenait contenance de lui-même. J'ai l'impression de me sentir enfin sur mes pieds, comme si jusqu'à ces dernières pensées, je n'étais pas vraiment en possession de tous mes moyens, comme si, après que le rideau se soit levé grâce à Finn, illuminant brusquement mon esprit resté depuis trop longtemps dans l'obscurité, j'avais de moi-même réussi à ouvrir en grand la fenêtre, passant un autre cap. Je sais très vite que Laure à perçue ce changement, je vois la lueur d'étonnement angoissée qui commence à naître dans ces yeux. On aurait presque dit qu'elle me regarde enfin comme la personne que je suis,  et non comme le copier/coller de son frère. La voix qui résonne quand je prends la parole me paraît étrangère. 

- " Tu sais, Laure, je crois que tu ne pourras jamais évoluer. Tes arguments sont pathétiques, tu ne sais absolument rien de ma vie. Et pour la simple raison que j'ai depuis longtemps décidé de t'en tenir à l'écart, aussi bien de ma vie que de celles de toute ma fratrie. Alors je ne me répèterait pas plus. Sors de cette maison. Elle ne t'appartient pas, et tu n'as rien à y faire. "

Même s'il est infime, je vois le changement qui s'opère en elle. Les tremblements qu'elle avait était provoquer par une peur sourde. À présent, c'est une rage, une colère vive qui les animent. Elle ouvre la bouche, le visage plus rouge que jamais. Son allure à beau être menaçante, je ne ressens plus vraiment cette peur qui me tordait pourtant l'estomac il y a peu. Une étrange sérénité m'a envahis, un calme que ces paroles ne pourront jamais ébranler. 

- " Je... Je ne te permets pas, vaurien. Tu...

- Je ne crois pas avoir besoin de ta permission pour m'exprimer. Laure, tu as dépassé depuis longtemps les limites, arrête de t'enfoncer encore plus. 

- Petit salopard ! Tu ne vaux rien, merdeux, va donc appeler ton pseudo ami, j'attends de voir, tiens ! Je suis sûre que ce n'est qu'un mensonge, toi, Ian Colin, aucune chance que tu te soit fait le moindre ami, tu es bien trop pathétique pour accomplir cet exploit, bon à rien ! 

- Si moi je ne vaux rien, alors je ne sais pas ce que ta propre existence signifie, Laure. Détrompes-toi, je vais de ce pas appeler un jeune homme particulièrement charmant, tu verras. "

J'ignore les tremblements de mes doigts qui sauvegardent lentement l'enregistrement, tandis qu'elle éclate d'un rire tonitruant. Je sens que la nervosité s'empare d'elle, à tel point qu'elle ne peut s'empêcher de s'agiter, secouée d'un rire jaune et flippant. J'avoue être plutôt fier de moi, je n'ai pas esquissé la moindre expression sur mon visage, restant le plus neutre possible. Je veux l'empêcher de penser qu'elle m'atteint, ce serait comme lui laisser le dernier mot. Et je refuse, même si elle finit par partir, même si c'est impossible que cette femme se remette un jour en question, de la laisser penser qu'elle a raison, qu'elle a gagné. Après avoir sauvegarder discrètement l'enregistrement, je dirige mes doigts vers le téléphone, et parcours le peu de contact que je possède avant de m'arrêter sur celui de Finn. Pendant ce laps de temps, Laure trépigne, elle devient encore plus rouge, comme si elle stimuler trop ces quelques neurones en recherchant une réponse à ma dernière phrase. Finalement, elle balbutie, et finit par scander sur son ton hystérique :

Un Océan Dans Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant