Chapitre 54

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Laurie :

Je le lui ai dit, les mots sont sortis, et avec eux un poids que je n'imaginais pas aussi grand. Quand Tina et mes autres connaissances restés en terminales l'année dernière m'ont raconté cette histoire il y a maintenant quelques jours, je l'ai su tout de suite. En revanche, j'ai eu bien plus de mal à l'accepter. Pour moi, Anna est une personne qui a conscience de beaucoup de choses, surtout la concernant, je la voyais comme une observatrice hors paire, qui n'avait aucun problème pour s'assumer et dire ce qu'elle pensait. J'étais persuadée qu'elle était forte, et qu'elle se relèverait rapidement. J'avais tord, tellement tord...

Anna est forte, tout le monde possède sa propre force, et celle d'Anna est immense, mais... Mais une force ne veux pas dire être invincible. La jeune fille qui me sert dans ses bras n'est pas réveillée, elle ne voit pas, parce qu'elle ne veut pas voir. Je me fait peur, sérieusement. L'assurance peut être autant une qualité qu'un défaut, et la mienne a vite déviée. Je me détache de mon amie, et essuis honteusement mes larmes. Certes, j'ai le droit d'avoir moi aussi des faiblesse. En revanche, je ne vois pas où est ma légitimité. Dans les yeux noisettes d'Anna, je lis un bouleversement que son faux sourire tente de cacher. Que dois-je faire à présent ? Feindre d'être dupe pour qu'elle cesse de s'inquiéter ? Sauf que ça voudrait dire la laisser seule avec ses questions et ses souvenirs censurés par la dictature de l'ange. Je lui ai ouvert les porte vers l'enfer que cachait les ailes du démons, mais je n'ai pas le droit de l'abandonner sans lui avoir indiqué la sortie. 

- " Anna.

Je pose mes mains sur ses épaules, et elle fronce un sourcil. 

- " Je veux t'aider. 

- Je n'ai pas besoin de...

- Si. Tu en as besoin. Même si tu ne le voit pas, même si tu ne le comprends pas. S'il te plait, Anna, personne ne pourras rien faire si tu ne fais pas le premier pas. "

Son regard dévie, et elle se lève du banc, restant debout, immobile. Quand elle reprend la parole, sa voix tremble :

- " D'accord. Mais comment ? Qu'est-ce que tu veux que je fasses ? "

Elle n'a ni crié, ni parler fort. Elle m'a posé la question tout doucement, cherchant à tâtons. Je ne veux pas hésiter trop longtemps sur la réponse que je pourrais lui faire. Une idée... Pour qu'elle se souvienne, qu'elle réalise, qu'est-ce qui pourrait lui venir en aide ? Une solution fuse soudain, et même si je doute encore, il faut que j'offre une réponse à Anna. 

- " Tu pourrais raconter. Je veux dire, tu cherches des anecdotes de tes premières années de lycée. Mais j'y ajoute une condition. "

Je me lève à ses côtés, elle me scrute, apparemment très sceptique. 

- " Je ne veux jamais connaître son nom, je ne veux jamais la voir apparaître dans tes histoires. 

- Comment ça ? Mais Laurie, c'est impossible, elle est... était tout

- Justement, cherche là où elle n'était pas vraiment là, juste dans ta tête. "

Son soupir est aussi tremblant que sa voix. Pourtant, pas une larme dans ses yeux, pas une grimace. Elle acquiesce juste, puis se met doucement à marcher. Je ne sais pas quoi penser de cette réaction. Est-ce que j'ai bien fait ? Je ne sais pas si ça va l'aider finalement. Suis-je trop ambitieuse de me penser capable d'écouter et de trouver les mots justes ? Le doute s'insère partout, il lui a suffit d'apparaître pour se propager à travers tout mon squelette. J'en viens à le ressentir physiquement. 

La main d'Anna apparaît dans mon champ de vision. Elle est tendue en arrière. Il me faut deux secondes pour comprendre l'invitation, et cinq de plus pour l'accepter en trottinant pour la rejoindre. Je glisse mes doigts dans sa main, et sursaute en sentant ses doigts gelés sur les miens. 

Un Océan Dans Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant