Chapitre 25

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Flashback d'Ian, 10 mois et 18 jours plus tôt :

J'ai dû rester deux jours au lit. Ma mère a pansé mes blessures, a nettoyé les plaies, retiré le verre, mais pas une fois elle n'a ouvert la bouche. Et pourtant, elle m'a récupéré à demi mort. Elle m'a récupéré tellement mal en point que je ne me suis réveillé que 24h plus tard. Mais non. Même pas un "ça va ?". Elle n'a rien dit, et elle ne fera rien. Encore. J'en ai marre. Je n'en peux plus de ne rien faire, de rester à subir cette situation alors que rien de tout ça n'est normal. A la rigueur, ma vie, je n'en ai plus rien à foutre. Mais j'ai bien vu les larmes de Lina et de Kyle, la colère de Kim, la peur de Lucas et Batiste et la tristesse de Margaux. Ils sont tous victimes, et je ne veux pas, je ne peux pas les laisser avoir une vie aussi atroce que celle que j'ai actuellement.

Je ne veux pas qu'ils ressentent comme moi la peur nouer le ventre, l'appréhension faire trembler les membres et l'angoisse prendre la place de toutes réflexions. Je ne veux pas qu'ils subissent la souffrance perpétuelle des cicatrices, l'isolement social et l'incapacité d'avoir une vie normale, comme tout le monde. Je veux les voir sourire, les voir rire, découvrir, tomber amoureux, s'épanouir, vivre.

Je suis dans mon lit, le moindre de mes mouvements me fait un mal de chien. Je n'ai jamais eu autant mal à autant d'endroits à la fois. Ma mère m'a laissé entendre que mon père était parti après la dispute et qu'il n'avait toujours pas réapparu. Tant mieux, plus il est loin mieux on se porte.

Mais il va revenir. Je le sais, et ce sera pour bientôt, et ça recommencera, le cercle vicieux infernal reprendra son cours. Comme d'habitude. Je pousse un long soupir, que je regrette vite tant ma gorge me brûle. J'essaie de me redresser, m'appuyant sur les coudes, puis sur les avant-bras, sur les mains, et me voilà assis. Tremblant, mais assis. J'ai mal à l'épaule gauche. J'ai mal au dos. J'ai mal à la mâchoire. J'ai mal à mon œil droit. Et j'ai horriblement mal au cœur.

Il faut que je bouge. Que je fasse quelque chose, que je serve à autre chose qu'à un putain de souffre-douleur. Je suis un bouc-émissaire, je l'ai choisi, mais je n'en peux plus. Tout doit s'arrêter. Et c'est moi qui vais y mettre fin.

Je sors mes jambes du lit, pose les pieds sur le sol froid de la chambre. Ma chambre. Je savais bien que ma mère ne prendrait jamais le risque de m'emmener dans un hôpital, mais en voyant mon reflet dans le miroir du mur en face de moi, je la déteste encore plus. Je sais bien que ma mère n'y peut rien pour les humeurs de mon père, mais elle peut depuis longtemps faire en sorte que tout s'arrête. Sauf que ça n'a jamais été le cas, elle pardonne toujours, encore et encore, comme si les coups, les menaces, la peur qui planent en permanence sur cette foutue maison c'était tout à fait normal ! Ma rage grandit, et me pousse à me lever, à redresser mon corps meurtri. Je grince des dents, les serrant à m'en faire mal pour empêcher les plaintes de s'échapper. C'est plus le moment de pleurer, de gémir, et de se taire. Je dois agir, maintenant. Cette fois-ci a été la fois de trop.

Mon cheminement à travers la maison est titubant, mais j'en suis plutôt fier. Je me suis habillé à la va-vite, et le poids du tissu sur mes blessures, même si celles-ci sont pansées, me font trembler de douleur. J'ignore la morsure, je continue, obstiné, jusqu'à atteindre l'entrée dans laquelle j'enfile des chaussures. J'ai évité de croiser qui que ce soit, ce qui relève du miracle, et je m'apprête à sortir une fois ma veste enfilée quand Lina débarque. Elle me fixe immédiatement, stupéfaite de me trouver là, puis s'élance vers moi.

Ignorant la douleur, je la prends difficilement dans mes bras. Elle ne serre pas autant que d'habitude, je crois qu'elle a compris que je ne suis vraiment pas en mesure de lui offrir une vraie étreinte. Je m'écarte un peu, pose un baiser sur son front sans un mot, et me redresse. Elle ne dit rien, et quand Margaux débarque, il lui suffit d'un regard vers moi avant de prendre la main de sa petite sœur pour la ramener dans le salon. Avant que je ne ferme la porte sans un bruit, j'esquisse un sourire triste à Ma pour la remercier. Cette gamine est incroyable.

Un Océan Dans Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant