Chapitre 27

59 3 0
                                    

Flashback d'Ian, 9 mois et 27 jours plus tôt :

Un homme s'est avancé, et dès l'instant où je l'ai vu, je sais que ce n'est pas un étranger. Je l'ai déjà rencontré, sa voix me paraît familière, et son allure me fait peur. Le soulagement qui m'avait chaudement envahi s'estompe un peu, dérangé par cette venue soudaine. Je le scrute, mais lui ne me rend pas mon regard, il garde ses yeux fixés sur le juge président. Quand il prend la parole, je fronce les sourcils, j'ai un mauvais pressentiment.

- " Bonjour à toutes et tous. Je viens ici partager mon point de vue parfaitement professionnel sur le cas de M. Colin, que j'ai attentivement suivit ces trois derniers jours afin d'offrir une réponse et un rapport le plus complet possible. "

J'ai l'impression que ce psychologue cherche à justifier à l'avance ses paroles, et j'ai de plus en plus de méfiance pour la suite.

- " Je tiens tout d'abords à préciser qu'il m'est impossible d'assurer que M. Colin était ivre lors des confrontations, n'étant pas sur les lieux. Mais j'ai néanmoins pus déterminer si ce que dit M. Colin est vrai, et je peux vous assurer, avec tout mon respect et mon savoir, que cet homme ne ment pas ! "

J'écarquille les yeux de surprise. Sérieusement ? Impossible. Dix ans que ça dure, il ne peut pas ne pas avoir conscience de ses actes. Cet homme ment.

- " Au passage, lors des tests, j'ai pu constater que M. Colin est un très mauvais menteur. Il dévie le regard, se démange les coudes et contracte la mâchoire dès qu'il prononce un mensonge, le meilleur des psychologue comportementale pourra vous l'assurer. "

Je reste sans voix. Mais où ce psy va chercher ses arguments ? Et pourtant, je constate avec effroi que les juges sont suspendus à ses lèvres. Les jurées discutent entre eux bruyamment, et le juge président est obligé de les rappeler à l'ordre.

- " Je vous en prie, l'heure des débats n'est pas encore arrivé ! "

La foule se calme, et je les regarde tous écouter attentivement le discours manipulateur que cet Elias est en train de leur déblatérer.

- " J'ajoute à cela une notion que personne dans cette salle ne semble connaître, qui concerne l'état psychologique de l'accusé. En effet, M. Colin souffre, et cela probablement depuis très longtemps, de trouble anxieux et de troubles de l'humeur. Ces maladies sont la cause de ses excès d'émotions, due principalement au stress. L'alcool permet à une personne atteinte de ces troubles de perdre la conscience de ses actions, mais surtout de lui épargner les pensées dépressives avec lesquels elle vit au quotidien. M. Colin n'était donc probablement pas en position de contrôler ses crimes. "

Je suis estomaqué par le nombre de connerie que ce mec a réussi à nous sortir en une phrase. Et pourtant, des signes d'approbation, de compréhension fusent de partout. La confusion qui se développe en moi n'arrange rien, et je perds de plus en plus mon calme. Quand ce putain de psy retourne à sa place, le juge reprend la parole.

- " Bien, merci pour cet examen des plus enrichissant. M. Ian Colin, avez-vous quelque chose à ajouter avant que l'on passe aux violences conjugales ? "

J'acquiesce, puis me lève en silence. J'ignore la nervosité qui me tord le ventre, et prend la parole d'une voix la plus ferme possible.

- " J'ai écouté attentivement l'analyse psychologique de M. Tergnier, et je suis navré, mais tout ce qui a été dit me parait peu cohérent. Je ne mets pas en doute les capacités de M. Tergnier, mais il m'est dur de croire que mon père m'a frappé pendant dix ans parce que lui vivait dans la plus grande des souffrances. "

La foule est silencieuse, admirative de mon courage. Mais moi, je n'en mène pas large. Je cache ma peur, tout simplement. Parce que c'est précisément le moment où je n'ai aucunement le droit de flancher. Je décide donc de me confronter à la source du problème, et plonge mon regard dans le sien identique.

Un Océan Dans Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant