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Natsu trouva les autres enfants assis en silence sur les souches. Elle était contente que Sonya et Louisa soient là. Elle informa le petit groupe de ce qu'ils avaient observé depuis le mirador. À l'écoute de la nouvelle, malgré les efforts que faisait chacun pour dissimuler son angoisse, les silhouettes se recroquevillèrent sur elles-mêmes, les dos se voûtèrent, les traits se tirèrent. Daniel jura et Harry s'esclaffa, sans que Natsu ait la moindre idée du déclencheur. Peut-être rien. Louisa jeta un œil en direction du portail et secoua la tête.
Aucun signe de Scarface, qui refusait toujours le contact. Natsu se mit aussitôt à sa recherche, ne tardant pas à retrouver sa trace dans la grange, où elle le trouva assis sur sa chaise de jardin préférée, en train d'attiser le feu à l'aide d'un fagot de brindilles qu'il avait nouées ensemble.

- Ils sont tout près, dit-elle. On les a vus à la jumelle, depuis le poste d'observation dans l'arbre. Il est encore temps de fuir. Et si on tentait Himeji ? Y a peu de chances qu'ils arrivent à nous rattraper.

Scarface secoua la tête d'un air déterminé. Apparemment, les enfants d'Himeji lui faisaient aussi peur, voire plus, que les adultes. Et puis tout ce qu'il possédait se trouvait ici, à la ferme.

- Sonya et Louisa, les deux filles, je les ai trouvées en train d'essayer de rentrer dans les bâtiments.

Scarface poussa le grognement guttural dont il était coutumier, puis posa son fagot de brindilles à la lisière du foyer. Natsu s'aperçut alors qu'il en avait confectionné plusieurs.

- Est-ce qu'on va mourir ? lui demanda-t-elle, sans trop savoir pourquoi elle se fatiguait à poser la question puisqu'elle connaissait déjà la réponse.

Un haussement d'épaules. À croire que c'était tout ce qu'il savait faire.

- Oui, ben moi, j'veux pas mourir, ronchonna Natsu. Donc pourrais-tu avoir l'obligeance de te lever et de faire quelque chose ? Te préparer ?

Scarface obtempéra, s'extrayant péniblement de son siège pour s'étirer - ses articulations craquèrent. Un minuscule « grumpf » résonna au fond de sa gorge. Ensuite, il alla chercher la masse d'armes et le bouclier en mousse de Natsu et les lui tendit. Celle-ci dut se retenir pour ne pas tout jeter par terre.

- Qu'est-ce que tu veux que je fasse avec ça ? dit-elle. Je peux pas me battre. Regarde-moi. Je vaux rien. À quoi bon m'avoir sauvée si c'est pour pas s'occuper de moi ?

Pour toute réponse, Scarface secoua la tête et se dirigea vers un meuble scellé au mur et fermé par un cadenas. Lorsqu'il l'eut ouvert, Natsu constata qu'il contenait un fusil de chasse, du genre de ceux qu'utilisent les paysans, ainsi que plusieurs boîtes de cartouches. Il cassa le fusil, chargea deux cartouches, vida le reste des munitions dans ses poches, puis s'en alla en tenant l'arme cassée par-dessus son bras.
Dehors, dans la cour, on pouvait d'ores et déjà les flairer, même s'ils demeuraient invisibles. Des milliers de corps malades, mortifiés, nécrosés. Une odeur rurale de lisier, mélangée à un relent typiquement urbain d'égouts et d'ordures ménagères en décomposition. Après l'odeur, vint le bruit. Le frottement régulier des pieds raclant le sol, les soupirs et les souffles chuintants, pas un rugissement, juste un râle sourd et triste. Comme une rafale de vent s'engouffrant en hurlant dans les interstices d'une fenêtre.

Les enfants avancèrent jusqu'au portail. Face à eux, rien que l'obscurité. Les adultes ne seraient visibles que lorsqu'ils atteindraient les pièges.
Ce fut bientôt le cas. Les entendant approcher, Natsu frissonna. Durant un instant, elle crut qu'elle allait vomir. L'odeur prenait à la gorge. C'est alors qu'elle entendit Isaac appeler. Elle leva les yeux et s'aperçut qu'il s'était servi de la passerelle de corde pour changer d'arbre et se rapprocher du portail. Il avait l'air à la fois apeuré et surexcité.

ENEMY Tome 4 : Les proies Où les histoires vivent. Découvrez maintenant