Les courses

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54.

  C'était le jour des courses. Il faisait doux, le soleil brillait et il régnait une ambiance de fête. Aone se trouvait dans les hauteurs de la grande tribune de l'hippodrome d'Ascot, au milieu de tous les autres enfants. Il priait pour que son plan se réalise. Après avoir pesé le pour et le contre, il avait fallu prendre une décision. Choisir entre le fait d'attendre quelques jours de plus ici, à Ascot, et l'envie de retourner dare-dare à Tokyo pour voir ce qui se passait avec l'armée de crevards.
  En fin de compte, il avait décidé de rester ici. Et si tout se passait comme prévu, il retournerait bientôt à Tokyo, à la tête d'une puissante armée.
  Et aussi avec Natsu.
  Les meilleurs guerriers de toutes les colonies du coin allaient être présents. Cela signifiait deux choses. Primo, si Natsu se trouvait dans les parages, il y aurait bien quelqu'un ici qui serait au courant. Deuxio, si quelqu'un, en l'occurrence Aone, voulait monter une division de combat, c'était là qu'il fallait être.

  Le seul hic, c'était que pour ça, il fallait commencer par gagner les courses.
  Au moins, il avait eu un peu de temps pour tout préparer.
  Quelques jours après cette fameuse nuit de la lune rousse, une fois qu'ils s'étaient sentis reposés, Aone et sa bande, épaulés par quelques archers de Kita, étaient allés récupérer la voiture. De jour, sans crevards qui grouillent de partout, ils n'avaient rencontré aucune difficulté. La campagne semblait même plutôt déserte. Durant tout le trajet, ils n'avaient croisé qu'un seul adulte, un boiteux qui tournait en rond au fond d'un champ. C'est tout. Arrivés à la voiture, ils se félicitèrent qu'Ebenezer ait pris soin de fermer la portière derrière lui.

  Le gros monospace était méconnaissable. Il disparaissait littéralement sous une épaisse couche de pus coagulé, de sang séché et de longues traînées de bave croûteuse, comme si l'engin lui-même avait attrapé la maladie et sécrété ces horreurs. À plusieurs endroits, la carrosserie gardait les stigmates de la rage avec laquelle les crevards avaient essayé de pousser la voiture hors de leur chemin ; sans parler des gros bouts de matière non identifiée, qui hésitaient entre le gris et le rose, comme si des kystes avaient poussé sur la tôle.
  Par chance, aucun assaillant n'avait eu la présence d'esprit d'ouvrir les portes.
  Lev grimpa au volant et sortit la clé du fond de sa poche.

- J'espère qu'elle va démarrer...

  En entendant le moteur s'ébrouer, les enfants poussèrent un immense cri de joie.
  Lev engagea la marche arrière et tous les gamins se mirent à pousser et à tirer, jusqu'à sortir le gros monospace du fossé et à le remettre sur la route.
  Après quoi, les uns entassés à l'intérieur, les autres suivant à pied, ils rentrèrent à Ascot en roulant au pas.
  C'était à peu près comme ça qu'Aone voyait son retour à Tokyo : un long convoi de véhicules, suivi par un immense défilé d'enfants.

  Au cours des trois derniers jours, ça n'avait pas arrêté. Ils arrivaient de partout. Pour l'essentiel, à cheval ou à pied, mais aussi, pour quelques-uns, en voiture - généralement des chefs de clans soucieux d'afficher leur rang. Ils venaient de la campagne environnante, accompagnés de leurs crevards, qu'ils tenaient enfermés dans les stalles de l'hippodrome, de l'autre côté de la route. Aone avait été horrifié d'apprendre dans quel but ils gardaient ces adultes, même si aujourd'hui, il avait presque fini par l'accepter. Il y voyait une sorte de perversité et ne savait toujours pas s'il allait participer à cette partie du programme. Le reste, en revanche, était plus simple et sans histoire : un mélange de courses de chevaux et de combats rapprochés.
  La plupart des enfants campaient dans des tentes plantées au centre de l'immense champ de courses. Le tout avait un petit air de campement militaire ou de festival de rock.

ENEMY Tome 4 : Les proies Où les histoires vivent. Découvrez maintenant