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  Une fois que les hourras et les acclamations eurent cessé, Arno leva de nouveau son bâton pour demander le silence, puis il s'avança vers le roi.

- Et maintenant, un petit message de nos sponsors, cria-t-il. Gracieusement délivré par l'hôte de cet événement de renommée mondiale. Dites-nous, Votre Majesté, comment ça se présente ?

  Se tournant vers la foule en tribune, la bouche de travers, Mad King éructa une suite de voyelles, tempérées d'aucune consonne. Un bruit qui s'apparentait davantage à un hurlement animal qu'à un langage articulé.

- Il dit que vous êtes tous les bienvenus, cria Arno. Même si vous n'êtes qu'un ramassis de merdeux, de cas sociaux et de retardée tous bons pour le programme d'éducation prioritaire.

  Les enfants éclatèrent de rire et tapèrent du pied par terre.

- D'ailleurs, s'il vous reste plus de deux neurones, je suis sûr que vous n'hésiterez pas à solliciter nos bookmakers.

Un groupe de garçons et de filles se déployait dans les allées de la tribune afin de prendre les paris des enfants pendant qu'en bas, sur la piste, Mad King vagissait de nouveau. Arno se proposa de traduire.

- Son Altesse royale décrète que c'est un bon jour pour mourir. Que le chaos commence !

Et chaos il y eut. Les premières courses consistaient en de simples épreuves de galop, d'un bout à l'autre de la ligne droite, les équipes étant constituées de deux cavaliers de chaque camp. Dans les faits, cela revenait à foncer droit devant en cravachant frénétiquement sa monture ainsi que ses adversaires. Apparemment, il n'y avait aucune règle. Tous les coups étaient permis.
Certains chevaux se percutaient, leurs jockeys essayaient de désarçonner leurs adversaires... Des cris, des rires et des acclamations descendaient des tribunes, parfois agrémentés de quolibets, d'insultes et de pures obscénités. Les clameurs les plus puissantes résonnaient quand les jockeys tombaient de cheval. Souvent, les manches se soldaient par une bagarre en règle sur la ligne d'arrivée. Certaines courses n'allaient même pas jusque-là et viraient au tournoi ou plutôt au pugilat équestre, dès la mi-parcours.

La foule profitait de chaque instant, applaudissant, conspuant, riant, remportant et perdant des paris. Et Aone n'était pas le dernier à encourager les jockeys d'Ascot. En effet, pour que son plan fonctionne, il avait besoin que les blancs gagnent.
Dix courses étaient programmées dans la matinée, certains cavaliers participant à plusieurs manches. Maidenhead en avait remporté quatre. Himeji, Ascot et Bracknell deux. Jusqu'ici, Slough et Sandhurst n'avaient rien gagné. De toute évidence, les courses équestre n'étaient pas leur fort. Quoi qu'il en soit, rien n'était perdu puisque Ascot était confortablement installé au milieu du palmarès. Avant que les épreuves abordent autre chose que les courses de chevaux, Aone et ses amis ne pouvaient pas faire grand-chose d'autre qu'encourager leur équipe depuis la tribune.

La course la plus importante de la matinée était ce qu'ils appelaient Le Grand Manitou et qui consistait en un tour complet du circuit, soit, comme Arno l'avait appris à Aone, un parcours d'environ deux kilomètres quatre cents décrivant, en gros, un triangle.
Pour cette course, la grande majorité des cavaliers changeaient, trois par camp, et contrôlaient nettement mieux leurs montures. Golden Girl concourait pour Himeji. Aone était pressé de voir si elle était aussi bonne cavalière qu'elle voulait le laisser croire. Dans l'équipe de Slough, il reconnut également un des gardes de Josa.
Comme lors des courses précédentes, les cavaliers s'alignèrent derrière une corde tendue en travers de la piste par deux enfants. Sous l'œil attentif des préposés à la corde, Mad King, le bras levé, beugla quelque chose. Sans doute : « À vos marques, prêts, partez ! » Difficile à dire. Toujours est-il que lorsqu'il baissa le bras, les enfants lâchèrent la corde et les concurrents démarrèrent en trombe. Les chevaux enfilaient la ligne droite au triple galop, leurs sabots arrachant à la piste de grosses mottes de terre qui volaient dans leur sillage.

ENEMY Tome 4 : Les proies Où les histoires vivent. Découvrez maintenant