A Fleur de peau et de sang

04. Le Palais

J'attrape la batte de baseball et je fracasse le miroir. Je ne veux plus voir mon reflet. Il y a des jours, je voudrais m'arracher ma peau pour retirer les fleurs de cerisier tatouées dans mon dos. Cette nuit, je suis d'humeur à m'immoler. Je sens encore les mains de Chrys toucher ma peau. J'entends chaque mot qu'il a prononcé. Viens au Palais. Sois prête à te donner au Jardinier.

Il est fou. C'est une bande de malades qui rôde au Palais. Ils m'ont eu deux ans auparavant. Ils essayent de m'y ramener. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il s'agit d'un piège. Je déteste tout ce que je ressens. Je voudrais mettre fin à tout ce que j'ai en tête.

Si j'y vais, c'est pour des réponses. L'homme que je cherche est là-bas, c'est ce que m'a fait comprendre Chrys. Je vais le trouver et je le tuerai de mes propres mains. Voilà ce qui me motive.

J'enfile une robe courte satinée rouge, comme le thème de la soirée, avec un dos nu. Je ne montre jamais mon dos, mais j'ai compris, il n'y a que de cette manière que je pourrais l'attirer à moi. Alors je vais tous leur montrer ce qu'il m'a fait, ils reconnaîtront sa signature et il sera obligé de me reconnaître. Je termine ma tenue par des talons aiguilles à plumes sur le dessus.

Mes cheveux sont retenus par un chignon strict. Mon eyeliner étire mes yeux, presque noir de naissance, et ils semblent avoir une allure de meurtrier. Je recouvre mes lèvres de gloss. Je pars en chasse, je lui offre sa proie. C'est entre lui et moi.

Je ne sais pas encore qui il est, mais je viens pour lui.

Un taxi m'emmène sur place. Il y a du monde dans une file d'attente interminable. J'observe la bâtisse qui se dresse comme un palais de verre, sortant tout droit d'un film et brillant de mille feux. J'analyse des videurs qui gardent l'entrée, ils font pénétrer petit à petit les gens qu'ils acceptent.

Je passe tout près d'eux pour les observer. Ils ressemblent à des colosses, même habillés, on peut apercevoir les tatouages qui leur couvrent le corps. Ils sont impressionnants. Je capte le regard d'un gars plus fin. Ses yeux semblent me pénétrer et me désirer comme un loup avant de se jeter sur sa proie.

Je détourne le regard pour ne pas attirer la curiosité de cet homme. Il faut que j'entre dans ce club, et pour ça, je vais devoir faire la queue comme les autres. J'avance en tournant le dos à l'entrée.

- Jolie fleur ! siffle quelqu'un derrière moi.

Je me retourne en sachant pertinemment que c'est moi qu'il appelle. Un frisson de peur et d'excitation se mêlent en moi. Quand je me tourne, je comprends à la lueur de ses yeux que le tatouage a fait son effet, il m'a identifié.

- Par ici, dit-il simplement.

Je ne suis plus sa proie. Maintenant, je suis quelqu'un qui a accès au Palais comme une privilégiée. Je fais partie de ce monde. Il me tend son bras, avec un brin de reconnaissance, j'accepte. Je joue à celle qui est confiante et qui sait où elle met les pieds. Sans un mot, il me guide dans l'antre du mal. La musique m'ensorcelle déjà.

L'homme mystérieux me donne un masque. J'ai un petit moment où je peux mémoriser son visage. C'est un grand brun, très fin, très pâle. Il est beau comme le sont les méchants dans les films. Ses yeux sont un marrons presque noir, j'ai l'impression de voir les miens. Il a l'allure d'un vampire, pour ne pas dire d'un tueur en série qui aurait fait de moi sa victime si je n'étais pas marquée. A moins qu'il soit à l'origine de cette marque dans mon dos.

Aucune idée. Cependant, j'ai la certitude qu'il sait forcément qui je suis. Il l'a su à la minute où il a vu mon tatouage.

- Mets-le et ne le retire surtout pas.