A Fleur de peau et de sang

24. Dis-moi comment vivre avec toi

Red est devant moi sur le parking de mon école. Je suis persuadée d'avoir fait une connerie en le rejoignant, j'aurais dû partir quand Chrys m'a laissée seule dans les couloirs. Une volonté intérieure m'a poussé à le retrouver.

Je l'inspecte de la tête au pied, sachant que je ne suis pas discrète puisqu'il m'observe à chaque seconde. Il semble être sorti d'une négociation d'entreprise, dont il serait le patron. Sa tenue est parfaite, sans défaut. L'homme est intimidant et impeccable. Est-ce que cela révélerait un trait de sa personnalité ? A côté de lui, je fais tâche, j'ai l'air du cliché artistique.

Dans mes mains, je tiens la boîte dans laquelle se trouve son cadeau. J'aimerai détester ce cadeau, mais je l'aime terriblement. J'ai envie de lui rendre, de lui dire en le regardant droit dans les yeux que je n'aime pas ce geste. Sauf que tout mon corps est faible, je frémis par sa simple présence. Mon cœur bat probablement au rythme du sien, voire plus vite.

Je souhaiterai pouvoir ressentir autre chose, mais je suis à ses pieds. La soumission tend mes épaules.

- Pourquoi tu m'offres ça ? demandé-je d'une voix qui trahit le plaisir qu'il me procure.

Un sourire vainqueur prend place sur ses lèvres. Il se moque de moi, j'en suis tétanisée. Ma poitrine se gonfle lentement, cherchant tout l'oxygène qu'il me vole.

- Parce que j'en ai envie.

- Ça ne pardonne rien.

- Je ne cherche pas à me faire pardonner.

- Evidemment, pesté-je en levant les yeux au ciel.

Qu'est-ce que j'ai cru ? Qu'il allait gentiment s'excuser pour tout ce qu'il m'a fait ? Non ! Bien sûr que non. Je perds de vue mon objectif. Ces hommes-là ne s'excusent pas. Ils se prennent pour Dieu, pour les maîtres de nos destins.

- Je ne vais pas m'excuser pour quelque chose que je n'ai... Jia, je ne peux pas m'excuser.

Mon prénom...

- Arrête de parler, craché-je déstabilisée, c'est mieux pour toi.

- J'aimerai, mais...

- Stop ! De toute manière, les excuses ne suffiront pas. Tu resteras un monstre et je ne te pardonnerai pas.

Red baisse les yeux quelques instants avant d'avoir le courage de me regarder à nouveau. Ses yeux me paraissent moins beaux à présent. Le charme est rompu.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? demandé-je mettant fin à ce silence insoutenable.

- Je veux qu'on passe la soirée ensemble.

- Hors de question. Je ne sais même pas pourquoi j'ai laissé Chrys me prendre mes clés.

- Peut-être qu'une part de toi avait envie de venir, suggère-t-il sans plaisanterie.

- Tu ne me connais pas, Red. Tu n'as aucune idée de ce qui m'anime et me fait brûler intérieurement.

- Et si je le savais ? Et si je te connaissais bien ?

- C'est impossible, soufflé-je agacée.

- Mais si tu avais tort ?

- Tu aurais peur.

Je suis sincère dans chaque mot. J'ai peur de moi-même, de ce que j'ai fait par le passé, de ce que je ferais encore. Mon plus grand secret, je ne l'ai jamais dit à haute voix. Il n'a aucune idée de qui je suis. S'il le savait, il ne m'aurait jamais approché, il ne m'aurait jamais fait ce qu'il m'a fait. Red a appris à être respecter et à être obéit, qu'on lui voue dévotion et soumission. Dans mon pays, on m'a craint. S'il me connaissait, il ne me désirait pas autant. Mais ici, je ne suis pas un monstre, c'est lui.