20. Territoire neutre

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J'ouvre la porte d'entrée de l'appartement après m'être assurée que personne ne me suivait à trois reprises. Je me glisse comme une voleuse par la porte, sans même l'ouvrir en grand et je referme vite à clé. Le soleil est en train de se coucher, comme je peux l'apercevoir à travers les fenêtres. Je n'aurais pas dû venir, c'est peut-être trop tôt. D'ailleurs, ils ont pu me voir entrer dans l'immeuble, s'ils le surveillent jour et nuit.

J'avais besoin de venir, de me retrouver chez moi.

L'appartement est silencieux. Les filles peuvent être sorties ou dans leurs chambres. Je ne tiens pas forcément à ce qu'elle sache que je suis là. En fait, je voulais me rendre compte que ma vie a définitivement changé. Il n'y a plus Dylanie qui se mettait à chanter quand elle était joyeuse. Il n'existera plus nos soirées toutes les quatre, assises sur le tapis du salon, à dessiner, jouer du piano, et chanter.

Un voile de ténèbre s'est abattu sur nous. Celles que nous étions ont disparu, sans possibilité de les retrouver.

J'avance dans la semi-obscurité jusqu'à la cuisine. J'ouvre le frigo pour prendre un soda frais, il y a une chaleur pesante depuis des jours. L'été va être insupportable. Je bois tout en déambulant dans l'appartement. Le salon est dans un sale état. Je vois qu'aucune de Yoona et Victoria n'a eu le courage de ranger. Je décide de remettre un peu de l'ordre.

Peu à peu, la pièce retrouve l'image du souvenir que j'avais d'elle. Je m'apprête à rejoindre ma chambre mais je suis arrêtée sec. Je tombe nez à nez avec Victoria et l'arme qu'elle tient à la main, pointée sur mon mignon visage.

Une fois que j'ai les mains en l'air, celle-ci voit mon visage et prend une attitude soulagée.

- Mon Dieu, Jia ! J'ai cru que c'était en cambrioleur !

- Mais depuis quand tu as une arme ?!

- Depuis toujours, affirme-t-elle. Le monde n'est pas sûr et encore moins en tant que femme.

- Non, mais l'euphémisme du siècle ! C'est toi qui dit ça !

Elle retire le chargeur de son arme, avant de tout poser sur la table basse. Je croise les bras, je suis un peu froissée de la voir. J'ai encore en tête la scène du Palais, elle qui chevauche Chrys devant tout le monde.

- Je peux savoir où tu étais ? demande-t-elle avec une pointe de reproche.

- Non.

- Est-ce qu'on peut parler au moins ?

- Je veux que tu me promets que tu ne contacteras pas Chrys, ni qui que ce soit d'autres.

- Je te le promets ! Je suis ton amie avant tout.

- Mon amie ? rigolé-je. Et s'il te demande de me livrer à Red, tu le ferais ?

- Non, non. Je te le jure. Chrys me demanderai pas ça.

- Tu sembles bien le connaître ?

- J'ai appris à le connaître, Jia, et j'aimerai que tu apprennes qui je suis. Je n'ai pas fait semblant d'être ton amie.

Je la fixe intensément, je tente de m'assurer qu'elle est sincère. Victoria a les yeux brillants, elle pourrait pleurer d'un instant à l'autre ce qui ne lui ressemble pas habituellement. Je hoche la tête. Son sourire apparaît. Je l'invite à s'asseoir sur le canapé où nous pourrons nous détendre.

- Qui es-tu Victoria ?

- Celle que tu as toujours connu à quelques détails de différence. C'est Red qui m'a fait passer la frontière du Mexique, je suis entrée sur le territoire. Il a changé ma vie.

A Fleur de peau et de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant