48. L'homme à la cave

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Je suis recroquevillée au milieu d'un grand lit du manoir, inconsolable. J'ai pleuré tout ce que je pouvais à tel point que je n'ai plus de larmes. Je fixe le plafond. La solitude m'enveloppe avec les draps chauds. Red m'a ordonné de rester couché et de ne penser à rien. Je me suis effondrée par l'annonce de la mort de Victoria. Et si moi, je hurlais, Chrys n'a pas prononcé un son. Je sais que sa mort a pourtant provoqué chez lui le même sentiment. Red, Chrys et Narcisse ont tenté de me réconforter à leur manière, mais maintenant seule dans cette chambre, je ne peux pas m'empêcher d'avoir de sombres pensées.

Je plaide coupable, tout est de ma faute.

Rien de tout ce que j'avais ne s'est passé comme je le voulais. C'est parti en vrille à la soirée du retour de Red. Il avait raison, je n'aurais jamais dû me mettre sur son chemin. Mes amis auraient pu connaître un tout autre destin.

Des bruits dans le couloir retentissent. J'imagine Red passer la porte et cela me réconforte. Hélas, la porte s'ouvre et Chrys entre dans la pièce. Je me redresse. Lorsqu'il s'approche, je me lève. Je suis sur mes gardes.

- Qu'est-ce que tu fais là ? demandé-je.

- N'aie pas peur, jolie fleur.

- Ne m'appelle pas comme ça, ce n'est pas le moment.

- Je ne suis pas d'humeur non plus, s'énerve Chrys, donc je t'appelle comme je veux.

- Si tu es venu pour me faire chier, dégage !

- Parle-moi autrement !

- Si tu oses t'approcher, je hurle ! prévené-je.

- Ne me tente pas !

- Red ne va pas aimer que tu sois là.

- Je m'en contrefous.

Chrys franchit l'espace qu'il y a entre nous. Je me surprends moi-même à ne pas crier. C'est notre problème avec Chrys, nous cherchons toujours à nous provoquer. Il m'angoisse, mais je n'ai pas encore peur. Je recule le plus vite que je peux, en me heurtant à un problème de taille : la table de chevet. Une fois proche de moi, je décrypte mieux ses émotions, il est en colère et je ne sais pas ce que ça donne Chrys énervé.

Je crois néanmoins qu'il va m'en faire une démonstration. Il attrape mes épaules, et dans un geste violent, il me pousse sur le lit. Un crie s'extirpe de ma bouche, pas assez fort pour qu'on m'entende. Mon corps se heurte au lit, et avant que je puisse me relever, il me plaque contre le matelas.

- Chrys ! gémissé-je.

- Tout est de ta faute.

Je ne le contredis pas. Ses mains me maintiennent mes épaules et un de ses genoux est entre les jambes. Subitement, la vulnérabilité me tient dans ses filets.

- Je t'en supplie, Chrys, je n'ai pas envie de me battre.

- Moi si !

- Pas aujourd'hui.

Je pensais avoir fini de pleurer, mais ce n'est pas ce que disent mes yeux, des larmes en surgissent. Cela fait son effet, Chrys me reconsidère. Il se laisse tomber de tout son poids sur moi, sa tête se loge contre ma poitrine et il ne bouge plus.

Au début, je suis paralysée. Son corps me dérange jusqu'à ce que je m'habitue. Je comprends peu à peu qu'il est venu chercher dû réconfort que seule moi peut lui offrir. Je me détends, puis glisse ma main dans ses cheveux gris. Je le tiens contre moi, comme un enfant que je cajole.

Nous restons un long moment dans la même position, prenant la peine de l'autre. Nous nous comprenons. J'ai les yeux fermés. Chrys n'aura jamais été aussi calme et doux. Il est à bout, il aimait vraiment Victoria. Puis, elle l'avait choisi, et en cet instant, je saisis sa raison. Sa respiration se cale sur la mienne, ses bras entourent ma taille, cette proximité est rassurante.

A Fleur de peau et de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant