01. Artiste à Dallas

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Sa lame s'enfonce dans ma peau. Il lacère, taillade. Je suis son œuvre. J'entends de la musique. Mon visage est humide, je sens la douleur s'ancrer dans mon dos. Je ne sais pas ce qu'on me fait. Tout mon corps m'échappe, je ne contrôle rien.

Aidez-moi, pensé-je sans pouvoir ouvrir ma bouche.

- Ma fleur... Ma fleur...

Ses doigts caressent mon dos, me plongeant dans les ténèbres. Je suis à peine conscience. Dès fois, je suis là. A d'autre moment, je suis complètement dans le noir complet. C'est comme si mon âme se faisait absorber entièrement.

- Tu es ma plus belle création. Ta peau est parfaite. Je pourrais te garder toute ma vie, je pourrais jouer.

J'entends le bruit de ses outils, la musique, les hurlements des autres femmes, des gémissements. Certains sont de douleur, d'autres de plaisir. Il y a de quoi être terrifié.

- Je veux que tu te donnes à moi, Jolie Fleur.

Jolie. Fleur.

Je m'éveille en transe, complètement désorientée. Mon dos me lance, c'est comme si je sentais encore ses mains contre ma peau nue. Je me précipite hors de mon lit pour courir jusqu'à la salle de bain. Je vomis tout ce qu'il me reste dans l'estomac de la veille.

Je finis par me relever, des larmes s'échappent encore de mes yeux. Je me brosse aussitôt les dents et observe mon reflet dans le miroir. Le dégoût plane sur mon expression. Je déteste quand la matinée commence de cette manière. Je rince mon visage et coiffe mes cheveux noir qui partent dans tous les sens.

Ma psy m'a appris à gérer ma respiration lors de ses crises de souvenirs. Je ferme les yeux quelques instants pour évacuer la crainte qui ronge mes os.

Dans l'appartement règne un calme troublant, mes colocs ne doivent pas être réveillée. Je vis avec quatre filles. Nous sommes toutes dans la même université dans le centre de Dallas. J'ai ma chambre à moi, Yoona à la sienne, puis Dylanie et Victoria -surnommées Vivi et Didi- partagent la dernière chambre. Nous divisons le loyer, parce qu'autant dire que mes études d'art me coûtent une blinde et qu'être artiste ne paye pas les factures. Je ne peux pas demander à ma famille de m'aider, ils ont d'autres choses à payer en Corée.

Je jette un œil à l'horloge qui affiche 9h30. Putain ! Dylanie devait avoir mis un réveil à neuf heures ! Nous allons être en retard. Je file dans sa chambre sur la pointe des pieds. Je la secoue délicatement et je comprends que la soirée de la veille a fait des dégâts. Victoria dort à l'autre bout de la pièce dans son lit et je l'entends déjà s'agiter.

- C'est déjà le matin ? grommelle Dylanie en ouvrant les yeux. Jia, je ne veux pas aller à l'école...

La New-yorkaise -plus trop New-Yorkaise- s'étire en manquant de me donner un coup. Je l'aide à se lever. Une fois qu'elle se prépare, je rejoins ma chambre.

Je passe d'abord par la salle de bain, puis je m'habille. J'enfile un jean ample, taille basse, ainsi qu'un top en maille beige semi-transparente et à manche longue. J'attache mes cheveux en faisant un chignon avec une baguette. Je l'ai légèrement mal fait, donc je n'ai pas l'air très coiffé pour une fois. Je mets mes baskets et cherche mes affaires de cours.

J'attrape mon carnet à dessin et mes crayons avant de sortir. Toutes mes affaires sont fourrées au fond de mon sac. Dylanie recoiffe ses longs cheveux bruns et termine son eyeliner. Nous partons dans la précipitation.

C'est Dylanie qui conduit, car du haut de mes vingt-trois ans, je conduis comme un danger publique.

- Comment était la soirée au Palais ? demandé-je les pieds sur le tableau de bord et en regardant mon écran de téléphone.

A Fleur de peau et de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant