A Fleur de peau et de sang

49. Le manoir, terrain de chasse

PDV Erwin Rojas - Red

C'est marrant de voir comment Narcisse, Chrys et moi nous ignorons après ce qu'il s'est passé ce soir. Chacun de nous est assis sur un fauteuil du salon en évitant soigneusement de s'adresser la parole. Il y aurait pourtant énormément de choses à se dire. Narcisse lit un livre, les bruits de ses pages rendent le temps long. Chrys a disparu un moment et j'ai bien cru qu'il ne reviendrait pas. A la manière qu'il a de rester silencieux, je comprends qu'il pense à Victoria.

Je pianote sur mon tel, répondant aux messages de mes frères. Je m'y force à garder mon esprit loin de la femme qui est recroquevillée en boule dans un lit du manoir. Sauf que ça m'agace d'attendre, je finis par me lever.

- Tu vas où ? demande Chrys de son fauteuil.

- Je vais voir Jia.

- Tu ne veux pas la laisser, elle doit être fatiguée.

- Mêle-toi de tes affaires, grondé-je énervé qu'il ose me donner un conseil.

J'ai cette réaction car j'ai merdé. Je l'ai laissé seul et il a suffit de ce court instant pour que Myosotis tue ses deux amies. Il aurait pu l'avoir.

Narcisse nous espionne avec un sourire en coin. La tension qui nous anime l'amuse. C'est vraiment un diable dans toute son âme. J'ignore la remarque de Chrys et je m'aventure dans les couloirs meurtriers du manoir. J'entends les pas de mon ami derrière moi, ce qui m'énerve déjà.

- Hé !

- Quoi ? m'énervé-je.

Je me retourne et je le toise du regard. C'est quoi son problème ?

- Red, je pense juste que...

- Évite de penser, je ne suis pas d'humeur.

Je ne l'écoute plus et je file vers la chambre. Je ne comprends pas son envie de vouloir m'arrêter dans ma course. Il est devenu, et au vu de la situation, je pourrais comprendre. Avant que j'ouvre la porte, Chrys se met devant moi.

- J'aimerai qu'on parle de ce qu'il va se passer, marmonne-t-il.

- Après.

- Red, il faut qu'on parle.

Je ne prends pas la peine de le calculer. Je le vire de mon chemin et ouvre la porte. Mon cœur s'emballe en découvrant le lit vide. Il me faut deux secondes pour comprendre que Chrys essayait de cacher l'absence de Jia dans son lit.

Je me retourne en colère et pousse brutalement Chrys contre le mur. Je le maintiens, ma main serrée autour de son cou.

- Je n'ai aucune patience ce soir. Elle est où ? crié-je sur le point de lui refaire le portrait.

- Aucune idée.

- Alors autre question : qu'est-ce que tu lui as fait ?

- Evidemment, murmure-t-il énervé, je suis responsable.

- Si tu l'as...

- Putain, je pensais qu'on se faisait un minimum confiance. Je ne lui aurais rien fait sans ton consentement.

Chrys me remet les idées en ordre. Ma tête est en vrac à cause de ce qu'il s'est passé. Je relâche Chrys et recule pour montrer que j'ai compris ma connerie. Je suis allé trop loin. Je n'ai pas à remettre sa fidélité, nous savons depuis longtemps que nous pouvons nous reposer l'un sur l'autre.

- Désolé, lancé-je aussitôt. Je suis dans un sale état.

- C'est compréhensible.

- Qu'est-ce que tu essayes de cacher ?