Chapitre 5 - Cleo

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Les lits de ma nouvelle résidence universitaire sont confortables. C'est déjà ça.

Je suis recroquevillée sous ma couette depuis que Selena et les autres filles m'ont raccompagnée à ma chambre, il y a une bonne demi-heure. Ma colocataire, Xin Yi, n'est pas là. Elle a probablement rejoint ses deux meilleures amies, qui logent ensemble à l'autre bout du couloir ; nous n'avons discuté que quelques minutes quand je me suis installée, un peu plus tôt dans la journée, et elle m'a déjà fait comprendre qu'elle n'avait aucune envie d'étendre sa vie sociale au-delà de son trio. En plus, l'anglais n'est pas sa langue maternelle, même si elle a un niveau suffisant pour suivre des études aux États-Unis. Il est évident qu'elle et moi ne tisserons aucun lien.

Je le déplorerai peut-être plus tard. Pour le moment, je me réjouis de son absence. Au moins, je n'ai pas à prétendre que je vais bien. Je peux laisser mon abattement s'exprimer, sangloter si j'en ai besoin et me rouler en boule en paix.

Je suis encore sous le choc de la violence du rejet de Neal, et je n'en peux plus d'y repenser en boucle. C'est comme si ses mots durs me perçaient l'esprit comme une lame, un peu plus profondément à chaque fois que je me les rejoue. Mon portable à la main, je fais défiler la conversation privée dans laquelle nous avons tant échangé, relisant certains de ses messages au hasard.


J'ai adoré la grille que tu as proposée pour le dernier challenge communautaire ! Tes définitions m'ont fait tellement rire, je suis fan de ton humour.

OK, passe une bonne soirée. C'est dommage que tu ne puisses pas participer au vocal de demain, tu vas me manquer.

Ton partiel d'hier s'est bien passé ? Tu m'avais dit qu'il te stressait, alors je viens aux nouvelles.


Comment le garçon si prévenant avec qui je discutais jour et nuit a-t-il pu se transformer au point de me réserver un accueil glacial lorsque je me suis présentée devant lui ? Comment un si grand écart entre celui qu'il était avec moi en ligne et celui que j'ai découvert tout à l'heure est-il possible ? Je ne comprends pas. Je n'avais pas totalement imaginé la complicité entre nous, ces messages le prouvent – ceux-là, ainsi que tant d'autres, parce qu'il n'y en a aucun dans lequel Neal se serait montré cassant. Mais il faut croire qu'en venant à Danbury, j'ai découvert son vrai visage. Juste un peu trop tard, parce que maintenant, je me retrouve coincée ici, seule. Il va falloir que je réévalue sérieusement mes plans pour les prochains mois...

Une notification m'annonce soudain l'arrivée d'un nouveau message sur le groupe WhatsApp que je partage avec mes deux meilleures amies, Salma et Angie. Cela a le mérite de m'arracher à ma lecture compulsive de ces discussions passées ; à la réflexion, je ne suis pas certaine qu'elle me faisait tant de bien que ça. J'ai besoin d'oublier ce que Neal m'a balancé à la figure, mais me le remémorer tel que j'avais l'habitude de le connaître n'est pas une bonne idée. Je dois me confronter à la réalité, celle qu'il a placardée devant mes yeux : il n'est pas celui que j'imaginais. Cela fait mal sur le coup, mais cela vaudra mieux sur le long terme.

Laissant échapper un profond soupir, je ferme enfin Discord et ouvre WhatsApp.


@angiels : Alors ma belle, comment se passe ton installation à Danbury ? Ça y est, tu as pu récupérer ta chambre ?

@salma.ghazi : Tu nous avais promis des photos, on veut voir ça !


J'inspire pour sécher mes larmes, me redresse et capture quelques images de ce qui m'entoure : mon lit, mon bureau, la salle de bains, la vue depuis la fenêtre... Je les envoie en précisant :

My Crushing WaveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant