My Crushing Wave

Chapitre 31 - Neal

Elle m'a attendu.

Cette idée imprègne mon esprit comme du miel chaud quand je m'autorise à accepter que non, il n'y a pas d'autre raison pour laquelle Cleo patiente sous le porche de la maison de Kenneth après l'entraînement. Son expression s'est allégée lorsqu'elle m'a vu, et maintenant, elle cale son pas sur le mien comme s'il s'agissait de la chose la plus naturelle du monde.

Pour elle, peut-être. Moi, il y a encore quelques semaines, je n'aurais pas espéré en rêver autant.

Je suis émerveillé par sa présence ; incapable de lui exprimer les sentiments que j'éprouve pour elle, mais pas étouffé par eux pour autant. Je sais ce que c'est que de la perdre. Cela n'en rend les moments auxquels j'ai droit auprès d'elle que plus précieux. Je m'en contente, parce qu'il est hors de question que je les risque en laissant échapper, forcément maladroitement, le trop-plein qui inonde mon cœur.

Retrouver son amitié m'emplit d'une joie suffisante pour me permettre de surmonter ma déception d'avoir raté de justesse la qualification aux finales nationales ; sans cela, devoir supporter les rappels incessants de Jerry que lui a atteint notre rêve commun me serait insupportable. Grâce à Cleo, je parviens à l'ignorer... la plupart du temps. Il arrive tout de même qu'une bile acide m'emplisse la gorge lorsqu'il réclame une « préparation spéciale » ou qu'il laisse entendre sans le moindre doute qu'il est largement au-dessus de tous les autres membres de notre club.

J'ose croire que si c'était moi qui avais marqué les 5 points qui m'ont fait défaut à Hartford, je ne me serais pas comporté de la même manière. Ce qui m'attriste, c'est que je ne peux pas en être certain. Je sais que dans mes relations avec les autres, je suis loin d'être le plus doué. Aveuglé par mon ravissement, comment me serais-je comporté ?

Je me suis promis que si je parviens à mes fins l'an prochain, je veillerai à agir différemment. Mais cela, c'est seulement si je progresse encore, suffisamment pour atteindre l'une de ces deux places pour lesquelles je me suis tant entraîné... Parfois, il m'est difficile de garder la conviction que le destin pourrait faire les choses autrement une fois suivante.

— C'était amusant, cette séance avec des grilles sur nous, commente Cleo, me ramenant au ravissement qu'elle m'inspire. Lara a été inspirée en proposant cette idée !

— Oui, j'ai bien aimé moi aussi.

Je pensais que je serais mauvais, mais finalement, j'ai réalisé des temps plutôt honorables. Bien que j'aie du mal à parler aux gens, il semblerait que j'aie des facilités à retenir ce qu'ils me disent d'eux. Surtout Cleo, évidemment, mais pas seulement. Je suis plutôt fier de le constater.

Je m'attends à ce qu'elle mentionne la rapidité avec laquelle j'ai résolu l'exercice qu'elle avait préparé ; pas vraiment pour revenir sur ma performance en tant que telle, mais pour pointer du doigt ce qu'elle signifie. Lorsque j'ai posé mon crayon si tôt, j'ai d'abord ressenti un élan de victoire... avant de réaliser que c'était une proclamation flagrante de la place qu'elle occupe dans mes pensées. Avec sa remarque, Gregory ne s'y est pas trompé, d'ailleurs... Elle n'en fait rien, cependant, comme si l'explication bancale que je lui ai chuchotée un peu plus tôt, juste après qu'elle s'est rassise près de moi, lui avait suffi. Ou qu'elle préférait ne pas gratter sous la surface pour éviter d'y déterrer des choses qu'elle préfèrerait garder enfouies... À la place, c'est sur ma propre grille qu'elle revient, alors que nous avançons tranquillement vers l'arrêt de bus au bout de la rue de Kenneth :

— Tu ne m'avais jamais dit qui était ton auteur préféré, je crois. J'ai déduit le nom ADAMS à partir des mots qui étaient autour, mais j'aurais été incapable de le trouver sans ça. Je ne suis pas certaine d'en avoir déjà entendu parler, d'ailleurs.