Mes abdominaux sont douloureux : le coach Cabrera ne nous a pas épargnés lors de l'entraînement de cet après-midi. Nous avons beau avoir un meeting ce samedi – l'un des nombreux parmi la série du début du semestre –, il ne compte pas nous permettre de nous relâcher : son objectif ultime, c'est que nous soyons fins prêts à briller lors des championnats de ligue, mi-février. Les sessions s'intensifient, avant la période de récupération juste avant l'échéance qui nous permettra d'atteindre notre plein potentiel. Je connais la théorie, il n'empêche que lorsqu'il s'agit de la subir, c'est autre chose. Les sets m'ont vidé de mon énergie, d'autant qu'aujourd'hui, pour nous motiver, le coach nous a répartis en équipes pour nous motiver : le but était de terminer le programme qu'il nous avait concocté le plus vite possible, en relais. Avec les autres deuxième année, nous avons voulu montrer de quoi nous étions capables, et nous avons tout donné – motivés par Theo qui se lance toujours à fond quand il est face à un challenge, même amical, et qui tenait à battre les juniors menés par Rhett. Certes, nous rentrons aux vestiaires en premier tous les six, mais nos muscles en payent le prix...
Et encore, moi, je serre les dents pour encaisser en silence. Anton et Ernest, eux, grognent en renchérissant l'un sur l'autre, persuadés qu'ils ne parviendront pas à rouler hors de leur lit demain matin, et redoutant déjà d'être écrasés par les poids que nous aurons à soulever lors de notre entraînement au sol.
Bien sûr, ils exagèrent : le coach ne nous pousse que dans la limite de ce que nous sommes capables d'accomplir, et ne prendrait pas le risque de faire quoi que ce soit qui abîmerait nos corps – nos « machines de nage », comme il se plaît parfois à les désigner pour nous rappeler d'en prendre soin. Toutefois, vu les protestations dans mes muscles ce soir, je pourrais presque considérer leurs récriminations plausibles.
Je grimace lorsque le jet froid des douches frappe ma peau. Cette contraction-là, je m'en serais bien passé... Plus malin que moi, James, à ma droite, s'est décalé pour laisser chauffer l'eau avant de se glisser dessous.
— Doucement, on n'est pas pressés ! me charrie-t-il.
C'est vrai, mais j'ai tendance à accomplir ce type d'actions routinières toujours de la même manière, parce que c'est rassurant de ne pas avoir à penser à tous les facteurs qui pourraient me pousser à en changer. D'ailleurs, je presse deux fois sur le flacon de mon gel douche, exactement comme d'habitude, pour en faire couler une noisette au creux de ma paume. À ma gauche, Ernest interroge Caliban :
— Arabella a bien l'intention de venir manger avec nous demain soir, j'espère ? Il faut qu'on la félicite de vive voix !
Aussitôt, malgré la fatigue, le visage de mon coéquipier s'illumine. Il nous a appris tout à l'heure une excellente nouvelle : sa petite amie a enfin reçu les résultats de sa candidature en master de droit à Harvard... et comme elle le visait depuis des années, elle a été admise. Ce qui n'a rien d'étonnant, à mon avis : cette fille est brillante. Je me rappelle encore comment elle a mené notre mouvement de protestation pour défendre Patrizia avant les derniers championnats de ligue... Bien sûr que les meilleures formations du pays ont intérêt à se l'arracher.
— Je lui demanderai confirmation, mais a priori oui, déclare Caliban. Surtout si je lui dis que vous voulez fêter ça avec elle.
— Génial !
— C'est un gros changement en perspective pour vous, non ? lance Anton. Harvard, c'est à plus de deux heures de route de la WestConn, et tu as ton propre bachelor à terminer ici.
Le sourire de Caliban se crispe légèrement, avant qu'il ne soupire :
— Oui, c'est sûr qu'il faudra qu'on trouve nos marques... Mais j'ai confiance en nous pour tenir la distance. Et puis, on a toujours su que si les choses se passaient comme Arabella le voulait pour ses études, ce moment finirait par arriver. Ce n'est que deux ans, face au rêve de sa vie. On s'arrangera.
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My Crushing Wave
रोमांसS'il y a bien une chose à laquelle Neal ne s'attendait pas en faisant sa rentrée en troisième année à l'université de Danbury, c'est à voir débarquer Cleo devant lui. Oui, passionnés de mots croisés tous les deux, cela fait des mois qu'ils se parlen...