Chapitre 14

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Assise sur une banquette, Fogelberg savoure la chaleur réconfortante du soleil qui passe à travers la fenêtre et la réchauffe doucement. L'atmosphère du restaurant est agréable, mais malgré cela, un silence gêné s'installe une fois leur commande passée. Joseph décide de briser ce silence, remarquant son regard fuyant tandis qu'elle joue avec les sachets de sucre et autres produits industriels peu recommandables pour la santé.

« Qu'est-ce qui vous est arrivé ? » demande-t-il sans détour.

Fogelberg le regarde timidement, souriant légèrement. « Je suis tombée, rien de bien méchant », répond-elle sobrement, préférant éviter de l'effrayer en lui racontant son récent traumatisme, son enlèvement avorté et sa cascade à bord d'une voiture en marche. Pour l'instant, elle préfère garder cela pour elle, ne voulant pas alourdir l'ambiance de leur rencontre.

Souhaitant détourner la conversation de ses propres déboires, elle reprend : « Parlez-moi de vous, vous m'avez dit que vous étiez prof d'Histoire. »

Joseph esquisse un léger sourire, reconnaissant son subtil changement de sujet. « Je préfère me considérer comme un enseignant en nostalgie », dit-il avec un brin d'humour.

La réplique surprend Fogelberg, mais elle ne peut s'empêcher de sourire. « C'est une belle formulation », admet-elle, appréciant son esprit vif et son sens de l'humour.

« L'étude de l'Histoire nous permet de mieux nous connaître, de mieux apprécier ce que nous avons et comment nous l'avons eu », dit-elle en réfléchissant à ses propres leçons de survie et de courage tirées des récits historiques. « J'aime l'Histoire, car elle me permet de visualiser les concepts et les modèles des sociétés passées. Les concepts politiques, sociaux, éducatifs, économiques, diplomatiques et religieux, bien entendu. Avec cela, j'essaye de transmettre à mes élèves de ne pas prendre pour acquis ce qu'ils ont, de leur expliquer le chemin parcouru pour en arriver là. »

Joseph acquiesce, comprenant parfaitement son point de vue. « Bon, il est vrai que je peux parfois dévier du programme officiel de l'Académie », admet-il en souriant, conscient de son approche unique de l'enseignement. « Mais si l'Histoire est écrite par les vainqueurs, comme l'écrivait George Orwell, ce que j'aime, c'est rétablir les faits et non continuer à propager des mensonges. Mais vous n'imaginez pas la somme de travail qu'il faut pour combattre un mensonge. Vous savez ce qu'est l'effet Matthieu ?

— Non.

— C'est cette tendance à attribuer des phrases marquantes à des personnages célèbres, même si ces derniers n'en sont pas les auteurs réels, parce qu'un nom célèbre donne plus de poids. » Fogelberg est impressionnée par sa connaissance approfondie de ce phénomène et de la manière dont il s'applique à des citations célèbres, y compris celle sur la disparition des abeilles attribuée à Einstein.

« C'est vraiment incroyable », murmure-t-elle, réalisant à quel point la vérité historique peut être déformée et utilisée à des fins diverses. « Vous devez effectivement vous battre contre une somme colossale de désinformation. »

Joseph acquiesce, mais ne laisse pas cela entamer sa passion pour son sujet de prédilection. Il enchaîne sur un autre exemple, celui du geste en V popularisé par Winston Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale, qui est aujourd'hui le symbole des réseaux sociaux. Fogelberg découvre avec étonnement que ce geste remonte en réalité à la guerre de Cent Ans entre la France et l'Angleterre, et que son origine était loin d'être anodine.

Fogelberg écoutait attentivement Joseph, impressionnée par l'étendue de ses connaissances historiques. Elle pouvait sentir sa passion et son enthousiasme pour le sujet, ce qui rendait leurs échanges d'autant plus captivants. Elle aimait l'idée qu'il ne se cantonnait pas à une seule période de l'Histoire, mais qu'il avait exploré les deux mille dernières années avec curiosité et ouverture d'esprit.

It ends with usOù les histoires vivent. Découvrez maintenant