Chapitre 35

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« Dans la Bible, il est question d'un personnage qui a trahi Yeshoua.

— Judas ? L'autre, c'est Judas ? » interroge Fogelberg, incrédule.

« En effet. Longtemps je me suis demandé si j'étais maudit, que ce soit pour une action que j'aurais commise, ou simplement parce que j'étais romain. Était-ce une malédiction lancée par un de ceux qui suivaient Yeshoua, jaloux que j'ai participé à la dernière Cène ou alors que je n'ai pas fait plus pour empêcher la crucifixion ? Il était tout à fait normal que je pense cela, puisque l'autre personne maudite n'était autre que Judas. Si je devinais que lui devait parcourir le monde en quête de rédemption, comme punition pour avoir vendu Jésus aux Romains. Mais quel était mon but ? Le suivre, l'aider ? Longtemps, j'ai cherché quel est mon rôle là-dedans.

— Peut-être dois-tu le tuer pour venger Jésus ? suggère Fogelberg.

— C'est déjà fait, et plus d'une fois. J'ai compris assez vite que lui était maudit puisqu'il ne mourait pas. Je l'ai trouvé pendu à un arbre dans son jardin, mais encore en vie alors qu'il aurait déjà dû mourir. Je l'ai tué et il est revenu à la vie. Je l'ai tué encore et encore, mais il revenait sans cesse. Je me suis lassé de le tuer alors je suis parti pour rentrer chez moi. Il m'a fallu quelques années pour comprendre que je ne vieillissais pas. Je me suis demandé si j'avais été maudit justement parce que j'avais tué Judas des dizaines de fois, alors que peut-être je devais l'aider. J'ai cessé de tenter de le tuer il y a des siècles, cela ne servait à rien. Nous ne nous sommes pas entre-tués depuis la conquête de l'Angleterre par Guillaume de Normandie.

— Euh, c'était quand ?

— En 1066.

— Ça ne te rajeunit pas », plaisante-t-elle.

« Cette idée que j'aurais dû l'aider dans sa rédemption m'est revenue en tête dans les dernières années en lisant des livres où Judas était une partie essentielle du plan de Yeshoua, qu'il ne faisait que suivre ses ordres afin d'accomplir une prophétie. Mais surtout, il y a quelques dizaines d'années, la science a fait un bond en avant. Lamarck en premier, ensuite Darwin ont émis des théories scientifiques qui m'ont mis sur une nouvelle voie, puis quelques années plus tard, les recherches sur l'ADN et la génétique ont fait leur apparition. Il est plus que probable que Judas et moi avons subi une mutation génétique. Grâce à la science moderne, j'ai pu apprendre, récemment, qu'il existe une maladie génétique rare. Elle n'a pas encore de nom officiel, comme la progéria qui cause un vieillissement accéléré, mais même si cette maladie ralentit le vieillissement, elle n'a pas d'effet secondaire dirons-nous, à savoir que... nos cellules se régénèrent. Il ne reste qu'à comprendre pourquoi nous deux ? Est-ce une coïncidence ou réellement une intervention divine ? Quoi qu'il en soit, lui comme moi, nous avons simplement cessé d'évoluer. Et, ce faisant, nous avons perdu une aptitude importante de l'humanité.

— Laquelle ?

— La peur.

— La peur est une aptitude ?

— Bien sûr. La peur a poussé les hommes à créer les religions, afin de rationaliser les orages, les tempêtes, les guerres... l'amour. La peur est l'une des émotions les plus primaires et essentielles de l'être humain, mais celle qui a un rôle fondamental, celui de nous aider à survivre et à nous dépasser. La peur est une réaction physiologique de notre organisme face au danger, elle met sur pause des fonctions non essentielles, elle contracte nos muscles, dilate les pupilles, fait augmenter le taux d'adrénaline. En suivant les recherches médicales, j'ai pensé qu'il s'agissait de la . Chez certaines personnes, cette maladie peut avoir pour conséquence d'empêcher de ressentir la peur, la maladie détruisant une zone du cerveau, l'amygdale. Cette zone joue le rôle de « stimulateur de peur » et provoque inconsciemment des comportements adaptés à la situation. Mais impossible de le vérifier, mes organes se régénèrent. Je ne peux parler à sa place, mais de mon côté j'ai... comment dire, expérimenté la mort durant de nombreuses années. Et je n'ai plus aucune peur, car je ne risque rien, je reviens toujours. Et lui est comme moi. Il en est même téméraire et poussera l'audace au maximum, ne risquant rien au final. »

It ends with usOù les histoires vivent. Découvrez maintenant