Chapitre 36

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Fogelberg est rentrée chez Joseph tard dans la soirée, exténuée. Les collègues des enquêtes internes ne lui ont pas fait de cadeaux. Une partie de son passé a été dévoilée au grand jour, mais pas question de s'attendre à la moindre sympathie de leur part, au contraire. Encore plus de soupçons pèsent sur elle. Ils l'ont poussée dans ses retranchements, mais elle les a affrontés avec une sérénité qui les déconcerte. Dans son esprit, elle se sent à un autre niveau de conscience par rapport à eux, comme si elle faisait désormais partie des privilégiés qui savent qu'il existe quelqu'un de différent parmi nous, quelqu'un dont la génétique représente soit une menace, soit une réponse. Elle est désormais convaincue qu'il y a un projet, voire un plan divin, et que sa rencontre avec Joseph en fait peut-être partie. Elle a du mal à croire que leur rencontre soit due au simple hasard.

Les collègues sont particulièrement intéressés à savoir si elle a eu des contacts avec son fils en dehors de l'épisode de son enlèvement raté. Ils peinent à concevoir qu'ils ne se soient pas parlé, compte tenu de son acharnement à l'approcher en vue de la tuer. Était-ce lui qui voulait la tuer ou l'inverse ? Où était-elle la nuit précédente ? Et où se trouve l'arme qui a été utilisée pour tuer l'Officier Al Chough ? Un couteau ensanglanté a été retrouvé, mais l'analyse est encore en cours. C'est à ce moment-là que le Capitaine Cordell est intervenu pour mettre un terme à cet interrogatoire musclé. Fogelberg sentait que les questions allaient bientôt dévier sur la délicate question de la localisation du père de son fils.

Quand elle ouvre la porte, une musique douce l'accueille, une sonorité qui la bouleverse. Joseph la regarde, assis sur une couverture posée sur le canapé, un verre de vin à la main. Un autre verre est déposé à l'envers sur la table basse.

« Tu es revenue.

— Bien sûr. Je peux ? » demande-t-elle en montrant la bouteille de vin.

« Tu es ici chez toi. Ce qui est à moi est à toi. Un verre t'attendais.

— Tu es... étrange », dit-elle en souriant. « Qu'est-ce que c'est que cette musique ? J'aime sa sonorité. — C'est un groupe qui a recréé des instruments de musique de l'époque romaine. C'est assez proche de ce que je pouvais écouter à l'époque.

— C'est vraiment beau. Les graves se répercutent et me font vibrer de l'intérieur.

— Comment te sens-tu ? Tu sembles... en harmonie.

— Ah ? Euh... oui. Je ne sais pas. Ils m'ont mise sous pression. Ils ne l'ont pas dit clairement, mais je sais qu'ils me soupçonnent d'avoir tué... mon fils.

— Je suis désolé, Sarah, vraiment. Si tu as besoin de parler, d'une épaule, de temps, je suis là.

— Je sais, et j'apprécie », répond-elle en baillant pour lutter contre la fatigue.

La musique continue de jouer en arrière-plan, créant une ambiance à la fois apaisante et mélancolique. Fogelberg s'installe à côté de Joseph sur le canapé, et ils trinquent ensemble à leur rencontre improbable.

Fogelberg se réveille en pleine nuit, transie, couverte de sueur, le cri qui l'avait tirée de son sommeil mourant sur ses lèvres ; il vibrait encore en elle, son cœur battant à tout rompre dans sa poitrine. Ses mains agrippées à la couette étaient douloureuses, ses jointures blanches. Elle grimaça en desserrant ses doigts. Se redressant pour essuyer les dernières traces du cauchemar, sa vessie la rappela à l'ordre en menaçant d'exploser. Dans son dernier souvenir, elle était assise dans le salon, mais sentait la fatigue peser. Joseph a dû me porter dans la chambre, se dit-elle.

En sortant de la salle de bain, elle aperçoit, dans la pénombre, Joseph devant la baie vitrée, scrutant la nuit.

« Tu ne dors pas ? » demande-t-elle en s'approchant.

It ends with usOù les histoires vivent. Découvrez maintenant