Saas-Lünd, Suisse, 1950
Niché au cœur des montagnes, le chalet était rustique, mais confortable. À travers les fenêtres, on pouvait apercevoir les sommets enneigés, tandis qu'à l'intérieur, la lumière chaleureuse de la cheminée projetait des ombres dansantes sur les murs en bois. L'atmosphère était réconfortante grâce à la cuisinière à feu de bois qui diffusait elle aussi une chaleur agréable. Des saucissons secs pendaient du plafond, ajoutant une touche traditionnelle à l'endroit. Max Devereaux était installé devant une assiette fumante de choucroute, tenant une chope de bière entre ses mains. En face de lui, Hans-Karl Hoffmann tenait le carnet qu'il avait rédigé dans une autre vie, alors qu'il était aux ordres de l'Ahnenerbe. Il ne cherchait ni à justifier ni à nier le fait qu'il avait travaillé pour les SS et Heinrich Himmler.
Les recherches qu'ils avaient menées pour l'Ahnenerbe étaient d'une importance capitale alors. La quête du savoir était leur moteur, peu importait la manière dont ils l'avaient acquis. Les expéditions courageuses qu'ils avaient entreprises à travers le monde avaient contribué à faire avancer la science, permettant au monde de s'éloigner de l'obscurantisme. Cependant, Hoffmann ne perdra pas son temps à expliquer ceci à cet américain. Celui-ci n'a qu'une chose à l'esprit, et le fait qu'il l'ait trouvé et soit venu le rencontrer est suffisant pour lui.
Alors qu'il savourait son repas, Hoffmann se lança dans un récit passionnant concernant le sujet de ses recherches. Il était ravi de partager ses découvertes avec quelqu'un qui semblait profondément intéressé et qui poursuivait les recherches à son tour. Il pouvait le voir dans les yeux de son interlocuteur, cette lueur de passion qu'il avait ressentie lui-même autrefois.
Hoffmann explique à Devereaux que l'objectif a toujours été l'Union soviétique. Il évoque une rencontre importante entre Hitler et Carl Burckhardt à Berchtesgaden en août 1939. À ce moment-là, Hitler avait clairement expliqué que ses actions étaient dirigées contre les Soviétiques, mais que sans le soutien de l'Occident, il serait contraint de se retourner contre eux avant de finalement s'attaquer à l'Union soviétique avec les forces qu'il aurait conquises.
« C'est exactement ce qui s'est produit... » se désole Hoffmann.
L'Opération Barbarossa, ainsi nommée en référence à l'Empereur Frédéric Ier de Hohenstaufen, dit Barberousse, était un plan soigneusement élaboré par Hitler depuis longtemps. Son intention était de conquérir l'Union soviétique de la même manière qu'il avait envahi la Pologne, en utilisant la stratégie du Blitzkrieg. Hoffmann et ses confrères y avaient cru au début. Tout semblait se dérouler comme prévu. Ils avaient rapidement préparé leurs dossiers en vue de futures expéditions.
Vers la mi-novembre 1941, la Wehrmacht, l'armée de terre allemande, n'était qu'à une trentaine de kilomètres de Moscou, la capitale soviétique. La chute de Moscou aurait été synonyme de la défaite de l'Union soviétique. Cependant, le mois de décembre arriva bien trop vite. En l'espace d'une semaine, les Allemands durent battre en retraite face aux forces conjointes des Soviétiques et de l'hiver rigoureux.
Hoffmann secoue la tête, dépité, les joues rouges de chagrin et d'alcool. L'amertume de ces souvenirs pèse lourdement sur lui, tandis qu'il se remémore ces moments critiques de l'Histoire.
« Vous vous rendez compte que l'Histoire du monde s'est jouée à peu de chose. La météo. Si Hitler avait lancé Barbarossa quelques semaines plus tôt, nous aurions peut-être fait tomber Moscou et ainsi éliminé l'Union soviétique. L'Allemagne aurait alors eu accès aux réserves de pétrole et aux ressources militaires. Hitler aurait pu ainsi se retourner vers l'Angleterre, puis vers Gibraltar et l'Égypte. L'Allemagne aurait pu régner sur l'Europe, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. L'Allemagne aurait dominé le monde ! » s'exclame Hoffmann avec une pointe d'amertume dans la voix.
« C'est possible, en effet. Mais parlez-moi plutôt de ce lieu », dit Devereaux en montrant une page du carnet.
Au fur et à mesure qu'Hoffmann parle, Devereaux est abasourdi par les révélations. Le carnet n'effleure que partiellement les découvertes incroyables que Hoffmann et ses collègues ont faites.
Alors qu'il se lève pour prendre congé, Devereaux attrape la veste qu'il avait déposée sur la chaise à côté de lui. Hoffmann se lève également, un peu éméché par l'alcool, les souvenirs de la guerre et l'heure tardive.
« Vous reviendrez me voir si vous avez trouvé quelque chose ? » demande Hoffmann en tendant la main, scellant ainsi un pacte entre les deux hommes.
Devereaux fait mine de replacer sa chemise dans son pantalon, mais en réalité, il glisse la main dans son dos, empoignant discrètement une arme cachée sous sa veste. Alors que Hoffmann s'approche pour serrer la main de Devereaux, ce dernier pointe brusquement l'arme sur le front d'Hoffmann et tire.
Un coup de feu retentit dans le chalet, résonnant comme un écho sinistre. La fumée du revolver flotte dans l'air, créant un instant figé dans le temps. Les yeux de Hoffmann expriment la surprise et l'incompréhension avant de se voiler définitivement.

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It ends with us
Mystery / ThrillerLe Lieutenant Fogelberg se retrouve confronté à des crimes aussi horribles qu'insaisissables : une femme pendue dans un parc, un homme crucifié dans un motel... Aucun indice ne permet de mettre la main sur les coupables, et l'enquête semble s'enlise...