Chapitre 25

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Depuis la fin de la guerre, Max Devereaux avait appris une chose essentielle : la patience. Il savait qu'il s'approchait de son objectif, et cela comptait plus que tout pour lui. Une fois de plus, il tentait de communiquer avec les anciens du village. Les gestes semblaient inutiles, à l'exception de celui symbolisant la déflagration ; le reste était incompréhensible. Cependant, il allait dévoiler un peu plus son jeu. S'emparant d'une feuille de son carnet, il dessina quelques arbres pour représenter la forêt, puis la rivière en disant "Toungouska" pour indiquer l'emplacement. Ensuite, il ajouta quelques personnages avec des pelles et des pioches, avant de terminer avec une pièce de monnaie qu'il pointa à plusieurs reprises.

Les anciens acquiescèrent.

Jusque-là, ils semblent être d'accord.

Il pointa à nouveau la pièce, montrant les alentours et fit un geste des mains, espérant qu'il serait compris comme signifiant "où ?"

Il les observa attentivement, en attente d'une réponse. De longues minutes s'écoulèrent, sans que personne ne parle.

Peut-être qu'il n'y a plus rien, que les nazis ont tout embarqué, ou bien peut-être qu'ils refusent de me dire quoi que ce soit. J'ai seulement deux options : soit je les menace en blessant un ou deux d'entre eux pour les motiver, soit je tente un coup de bluff.

Devereaux ferma les yeux et se concentra. Il se remémora toutes les choses tristes qu'il pouvait, et finalement, une larme coula sur sa joue, suivie d'une autre. Adoptant une attitude humble, il se leva, posa sa main sur son cœur et s'inclina avant de se diriger vers la porte.

« Deng »

Devereaux se retourne, un ancien lui fait un signe de la main qui dans sa langue signifie baisse d'un ton ou assis-toi. Il retourne s'asseoir alors que l'ancien tend la main et lui fait comprendre qu'il veut son crayon.

Ça s'en vient !

Devereaux lui donne une feuille et son crayon, et attend avec impatience, faisant de son mieux pour maîtriser ses nerfs.

Après plusieurs minutes, la feuille passe de mains en mains, chacun la regardant attentivement et murmurant en hochant la tête.

Tout le monde semble être d'accord.

Lorsque la feuille lui revient, Devereaux essaie de comprendre ce qu'il a entre les mains. Il voit deux traits avec des petits ronds, et en dessous, plusieurs traits avec ce qui ressemble à un nuage doté d'une bouche, de dents et d'yeux sévères. Un doigt pointe le nuage et les petits traits, accompagné d'un bruit de bouche.

L'explosion ! se rend compte Devereaux.

Il montra son dessin de la pièce et des petits cercles, et voyant l'assentiment des anciens, il comprit que cela signifiait probablement que deux personnes s'étaient rencontrées avec des pièces, et qu'une explosion avait eu lieu à ce moment-là.

Il ressent un remords soudain d'avoir tué le Professeur Hoffmann, réalisant qu'il aurait pu avoir besoin de ses connaissances à travers ses délires aryens.

C'est quoi ce bordel ?

Pas besoin de se forcer cette fois-ci, des larmes coulent naturellement sur ses yeux.

« Lai »

Devereaux sent qu'on lui donne un coup sur l'épaule.

« Lai »

Un ancien se tient debout près de la porte, indiquant à Devereaux de le suivre. Perdu dans ses pensées, il suit mécaniquement son guide qui s'enfonce dans la forêt. Le temps s'étire, et Devereaux perd toute notion du temps, presque en état second. Il manque presque de percuter son guide qui s'est arrêté devant l'entrée d'une caverne. Une main tendue lui fait comprendre d'attendre, tandis que l'ancien pénètre dans la caverne.

Devereaux remarque la présence de sentinelles armées à proximité, alors il reste immobile, évitant tout geste brusque. Après de longues minutes, l'ancien réapparaît, tenant quelque chose dans sa main. Il tend l'objet à Devereaux, qui le prend avec un signe de tête, curieux de découvrir ce que cela pourrait signifier. Dans ses mains, il découvre un petit sac en cuir qu'il ouvre précautionneusement, et en sort une pièce.

Celle-ci est remarquablement bien conservée, et Devereaux parvient à distinguer des inscriptions sur chacune de ses faces. Sur la face avec un visage, il peut lire les lettres "TICAESAR DIVI AVGFAVGVSTVS", et sur l'autre face, il voit les mots "MAXIM PONTIF".

L'ancien prend la pièce de ses mains et la glisse dans la bourse avant de la fermer.

« Zou » dit-il en poussant la bourse contre son torse. Puis, d'un geste qui ne nécessite aucune parole, il indique à Devereaux que son temps parmi eux est désormais terminé. Un des hommes qui l'observaient s'approche par derrière et lui fait signe de le suivre, guidant Devereaux à travers la forêt. Après de longues heures de marche, son escorte s'arrête et lui fait comprendre qu'il doit continuer seul.

Malgré le mystère de sa destination, Devereaux suit le chemin indiqué, faisant confiance à ses guides. Il réalise que s'ils avaient voulu lui faire du mal, ils auraient pu le faire dès son arrivée au lieu de lui confier la pièce. Sa curiosité et sa fatigue s'entremêlent alors qu'il poursuit sa route.

Épuisé, il finit par s'arrêter et s'adosse contre un arbre. La journée a été riche en émotions après des mois de solitude. Rencontrer des autochtones et mettre la main sur une pièce aussi précieuse l'a rempli d'un mélange d'excitation et de satisfaction. Profitant des dernières lueurs du jour, il rassemble quelques pierres pour faire un feu. À la lueur des flammes, il examine la pièce avec soin, laissant son doigt parcourir les lettres gravées. Puis, sentant le sommeil l'envahir, il range la pièce dans sa bourse et la place près de lui dans son manteau, veillant sur ce trésor dont il ignore encore la signification.

Au cœur de la nuit, au plus profond de son sommeil, les lettres gravées sur la pièce semblent danser devant ses yeux, tourbillonnant et se détachant de la surface métallique. TI CAESAR DIVI AVGFAVGVSTVS. TI. CAESAR. Devereaux se réveille brusquement, son esprit encore imprégné des mystères de cette inscription. Tiberius Caesar ! Le mot lui évoque des représentations qu'il a déjà vues dans des livres à la librairie.

C'est un denier romain ! 

It ends with usOù les histoires vivent. Découvrez maintenant