Chapitre 48

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« Êtes-vous prêt ? J'ai un colis à emballer et à expédier maintenant », déclara Joseph d'un ton calme.

Il rangea son téléphone et descendit les escaliers pour trouver Judas toujours en train de gesticuler, essayant désespérément de se rapprocher du mur de brique dans l'espoir de cisailler la corde. Fogelberg, quant à elle, lui donna un violent coup de pied dans l'entrejambe, sous le regard courroucé de Judas qui la regardait vivante, en pleine forme, et remontée contre lui, alors qu'elle s'acharne sur lui, le cognant encore et encore.

« Sarah », dit doucement Joseph, la laissant faire. Judas avait amplement mérité ce qui lui arrivait. Son enlèvement, sa tentative de meurtre, la mort de son fils, tout était de la faute de Judas. Il méritait bien un châtiment, purement féminin.

« Sarah, il faut que j'y aille.

— Où ?

— Là où tout a commencé, et où cela finira pour lui, et peut-être pour moi.

— Tu ne comptes pas revenir ?

— J'aimerais revenir vers toi, mais ce n'est pas moi qui décide. C'est Dieu, ou peu importe ce qui m'a rendu immortel. Nous en avons parlé. Tu avais raison, j'avais peur, peur de perdre mon immortalité, de mourir. Mais il faut en finir avec Yehudah.

— Laisse-moi t'accompagner alors.

— Sarah, je ne sais pas ce qu'il va se produire. Un nouvel Hiroshima ? Les Dix plaies d'Égypte ? Rien ? Allons-nous simplement disparaître, lui et moi ? Je ne sais pas. Je ne veux pas que tu... souffres.

— Je souffrirais si tu pars sans m'emmener.

— D'accord », dit-il en lançant la clé de la voiture. « Gare la voiture le plus près possible en arrière de la maison, je vais le sortir par la porte arrière. »

Quelques minutes plus tard, avec l'adresse de l'aérodrome en banlieue en main, Fogelberg conduisait pendant que Joseph sécurisait Yehudah sur la banquette arrière. Ce dernier le suppliait du regard, des larmes coulant même sur ses joues. La menace était réelle, venant du Romain. Il réalisa qu'il avait sous-estimé Joseph, ainsi que les sentiments qu'il éprouvait pour la policière. Rien dans son comportement, alors qu'il l'observait, ne montrait un quelconque attachement sentimental. S'il l'avait su, il aurait agi différemment. Est-ce que le Romain avait réellement un moyen d'en finir ? Et où l'emmenait-il ?

Plongeant sa lame dans le corps de Judas, Joseph s'assura que ce dernier ne puisse pas sentir le hangar où un avion les attendait.

Un contenant de grande taille avait été préparé, placé près de la soute. Avec l'aide des membres de l'organisation, Joseph allongea Judas à l'intérieur et le lesta pour le maintenir au fond, les bras et les jambes toujours entravés par les menottes. Remplissant ensuite le contenant de soude caustique, tous observèrent un instant, tandis que le produit corrosif s'attaquait à Judas. Fogelberg s'en voulait de ne pas y avoir pensé plus tôt, quand elle l'avait menacé. Le cercueil de Judas fut scellé pour éviter les éclaboussures de soude, avant d'être glissé en soute. Après une poignée de main silencieuse, Joseph embarque avec Fogelberg et la boîte contenant les vingt-neuf deniers.

Aucune parole ne fut prononcée pendant un moment. Fogelberg analysait tout ce qui venait de se produire. Son enlèvement, la douleur lancinante de la lame de Judas la transperçant, puis l'arrivée de Joseph, le combat acharné qui s'ensuivit... Ce putain de combat ! Elle repensa à la mort de Judas, mais elle savait que ce n'était que temporaire. Combien de fois allait-il ressusciter avant qu'ils n'arrivent à destination ? Et surtout, ce qui venait de se passer avec Joseph. Ils venaient de faire l'amour ! C'était sa première relation sexuelle, du moins la première dont elle avait conscience. Fogelberg se sentait bien, heureuse d'être avec lui. Elle se surprit à prier Dieu pour la première fois depuis son enfance, lui demandant de ne pas lui enlever son Légionnaire Romain, Mettius Atticus Aburius, pria-t-elle en prononçant son nom complet pour être certaine qu'IL comprenne bien de qui elle parlait.

Joseph laissa son esprit s'envoler vers des époques lointaines, explorant des lieux que n'importe quel historien ou archéologue rêverait de voir. Il se plongea dans des contrées mystérieuses, des cités antiques oubliées, et des contrées sauvages où seuls les rares voyageurs intrépides avaient osé s'aventurer. Des lieux qui n'apparaissaient sur aucune carte, dont les secrets étaient gardés par le temps lui-même, et qui n'existaient même pas dans les légendes connues des nouveaux occupants de ces terres.

Ce n'est qu'après quelques heures d'avion que Fogelberg le ramena doucement au présent en prenant sa main dans la sienne. Sa voix exprimait ses inquiétudes.

« Je n'ai pas envie de te perdre, Mettius », murmura-t-elle avec émotion.

Il la regarda avec tendresse, comprenant parfaitement ses sentiments. « Je le sais, Sarah. Mais ce n'est plus entre mes mains. La menace que représente Yehudah doit cesser. Il s'en prendra à nouveau à toi pour m'atteindre, me blesser, par vengeance. C'est allé trop loin, je ne peux plus reculer.

— Je tiens à toi, énormément. Si tu t'en sors et que tout est fini avec Judas, acceptes-tu que nous fassions un bout de chemin ensemble, ne serait-ce que quelques années, avant que je ne sois trop vieille et que tu veuilles t'éloigner ? »

Le regard de Joseph s'adoucit. « Bien sûr, Sarah. Je tiens aussi à toi. » Il l'attira doucement contre lui, leurs mains toujours entrelacées.

L'atterrissage à l'aéroport de Ben Gourion à Tel-Aviv n'émut guère Fogelberg. Malgré le fait qu'elle se trouvait sur la terre de ses ancêtres, elle ne ressentit aucune connexion particulière avec cet endroit. Peut-être était-ce la ville elle-même qui ne lui évoquait rien de spécial. Un camion aux couleurs de l'ONU les attendait près d'un hangar, et grâce à leur arrivée tardive et à l'obscurité de la nuit, ils purent transférer discrètement le cercueil de Judas dans le camion. Le trajet fut relativement court, d'une durée d'environ une heure, principalement parce qu'ils évitèrent de traverser Jérusalem. Arrivés en périphérie, Fogelberg descendit du camion et observa la ville. Joseph se tient à ses côtés, prenant sa main et entrelaçant ses doigts, avant de plonger dans ses souvenirs pour faire une comparaison avec la ville telle qu'elle était il y a deux mille ans. Il lui indique une direction, puis remonte dans le camion. Il se dirigeait vers la maison de Judas, là où tout avait commencé. Mais le développement urbain avait complètement modifié les lieux. Ils continuèrent de rouler, suivant l'instinct de Joseph. Il ouvrit la protection qu'il portait autour de son cou et en sortit le denier, le serrant dans sa main. Il roula jusqu'à ressentir un picotement dans sa paume. Tout d'abord, il attribua cela à un simple picotement nerveux. Puis, il tendit la main vers Fogelberg et lui demanda de toucher le denier, juste pour vérifier. L'électricité statique qui émana du denier lorsqu'elle le toucha le conforta dans son intuition. Ils sont enfin arrivés. Joseph en eut confirmation en observant le paysage environnant.

Joseph quitta la route principale, s'éloignant un peu avant de couper le moteur et de descendre du camion, se dirigeant vers l'arrière du véhicule. Fogelberg l'aida à faire glisser le cercueil qui tomba lourdement au sol, s'enfonçant dans le sable. Armé d'un démonte-roue, Joseph fit sauter les joints d'étanchéité pour ouvrir le cercueil. Soucieux de respecter la parole donnée à l'héritier de Devereaux, Fogelberg filmait chaque étape de la procédure.

Le corps de Judas, dans un état pitoyable, chuta sur le sol, toujours entravé par les menottes. Loin de la soude corrosive, il lui fallut quelques minutes pour que les cellules de son corps commencent à se régénérer et le ramènent à la vie. Bien qu'elle ait déjà assisté à ce phénomène, voir un mort revenir à la vie était toujours une expérience incroyable et troublante pour Fogelberg, malgré son affection pour Mettius. C'était comme si cela allait à l'encontre des lois naturelles. Instinctivement, elle recula lorsque Judas aspira une bouffée d'air et ouvrit des yeux vitreux, sans pouvoir distinguer clairement ce qui l'entourait.

It ends with usOù les histoires vivent. Découvrez maintenant