Jérusalem
An 34 d'Hérode Antipater
An 16 de Tibère
Il attendit la mort, mais La Mort ne vint pas.
Il voulait crier, mais seul un gémissement sortit de sa gorge écrasée par la corde. Les yeux voilés, il regardait...
Il s'était pendu à un arbre par honte. Il avait trahi son ami par jalousie. Incapable de supporter le poids de cette trahison qui avait coûté la vie à son meilleur ami, il avait choisi de mettre fin à la sienne.
Ses yeux se voilèrent à nouveau. Cependant, quelque chose d'étrange se produisit pendant qu'il avait les yeux fermés. Lorsqu'il les rouvrit, les trente deniers en argent qu'il avait rageusement jetés à terre avant de se pendre avaient mystérieusement disparu. Même la couleur du ciel avait changé. Combien de temps s'était écoulé depuis qu'il s'était évanoui ? Pendant combien de temps allait-il rester suspendu avant de finalement mourir ? Même ça, il n'avait pas été capable de le faire correctement ! Voilà que ses yeux se voilèrent à nouveau...
Est-ce un mirage au loin ?
Il lui semblait qu'une ombre se rapprochait.
Est-ce un de ces démons, un djinn ?
Le noir se faisait devant lui.
Il rouvrit les yeux et vit un homme qui le regardait. Il voulait lui demander de l'aider à en finir, mais ne fit que se tortiller au bout de sa corde. Comme il devait avoir l'air ridicule, à moitié mort, accroché à ce foutu arbre.
Il vit la bouche de l'homme articuler des mots, il entendait des sons, mais ne comprenait rien. Il essaya de se concentrer sur ce visage.
Il l'avait déjà vu... mais où ?
Il se mit à gesticuler quand son cerveau lui apporta enfin la réponse. LE ROMAIN ! C'était le Romain qui avait partagé avec tout le monde le dernier repas du Maître. Lui qui était resté à parler toute la nuit.
Il le voit sortir son épée de son fourreau et s'approcher de lui. Enfin ! La délivrance arrive. Il ferme les yeux pour accueillir la mort. S'attendant à sentir le fer pénétrant sa chair, il ne sent que sa chute et le goût du sol dans sa bouche. Quand il ouvre les yeux à nouveau, il se rend compte qu'il est allongé à même le sol dans une grotte. Un feu éclaire le Romain qui le regarde. S'apercevant qu'il est réveillé, le Romain se redresse et pousse un bol vers lui.
« Mayim* » dit le Romain.
Si le Romain avait voulu le tuer, il l'aurait fait alors qu'il était suspendu à son arbre. Ainsi, sans crainte, il s'empara du bol d'eau. Il but une longue gorgée et manqua de s'étouffer. Sa gorge était râpeuse, douloureuse. Il porta la main à son cou, le souvenir de la corde encore bien présent. Il reprit une gorgée d'eau, plus précautionneusement. Il sentait le liquide se répandre dans son corps, la sensation était au-delà de toute description.
« Toda** » répondit-il au Romain, en s'inclinant.
Sa gorge allant mieux, il se mit à demander au Romain ce qu'il s'était passé. Où étaient le Maître et les disciples ?
Mais le Romain leva les mains pour lui faire comprendre qu'il ne comprenait pas sa langue. Il s'empara alors d'un bout de bois et entreprit de dessiner sur le sol.
Il dessina cinq cercles et un arbre avant de le pointer du doigt. Intrigué, il essaya de comprendre le sens du dessin.
« Cinq ronds ? Cinq soleils ? Je suis resté pendu pendant cinq jours ? » demande-t-il en montrant le dessin tracé dans le sable, incrédule.
Le Romain acquiesça.
« Et Yeshoua ? Le rabbi ? » demande-t-il, à tout hasard, espérant être compris.
Le Romain effaça l'arbre et deux cercles, puis remplaça l'arbre par un trait coupé en hauteur par une autre barre. Un T.
« Il a été crucifié il y a 3 jours ? » demande-t-il en pleurant.
De nouveau le Romain acquiesça.
Dans un geste désespéré, il s'empare d'une pierre et la frappe contre sa tête, jusqu'à sentir son crâne éclater. L'idée de réussir enfin à mettre fin à sa vie le soulage, et il s'effondre au sol, s'interrogeant sur la dernière image qu'il voit : le Romain qui sourit.
Lorsque ses yeux s'ouvrent à nouveau, il sursaute et porte instinctivement la main à son crâne, cherchant des blessures qui ne sont pas là. Il se redresse, paniqué, essayant de comprendre ce qui vient de se passer. Une nouvelle fois, il voit le Romain en face de lui. Un cri de frustration et de confusion échappe à ses lèvres, et il saisit une nouvelle fois une pierre pour la lancer vers le Romain. Mais ce dernier anticipe son geste et esquive habilement le projectile. D'un geste fluide, le Romain sort son glaive et le plonge dans son corps. Il ressent le fer qui fouille sa chair, lui arrachant un cri de douleur. Ses genoux cèdent sous le choc, et il tombe à genoux, les yeux écarquillés d'horreur, tandis que le sang se répand sur le sable, avide de boire cette vie qui s'échappe de lui. Chaque battement de son cœur semble être un dernier souffle.
Pourtant, l'impensable se produit. Il ouvre les yeux et, contre toute attente, ne trouve aucune blessure à son ventre. Le contact du sable sous ses doigts révèle la présence de son propre sang, mais il ne comprend pas ce qui vient de se passer. Le Romain est toujours là, souriant d'un air énigmatique.
Une certitude grandit en lui : il est possédé. Un Djinn a pris l'apparence du Romain, et son esprit est en lutte constante avec cet être surnaturel qui l'habite. Sans plus attendre, il se saisit de nouveau d'une pierre et se lance vers le Romain avec une détermination féroce. Mais, avec une aisance déconcertante, le Romain contre son attaque. D'un geste rapide et précis, il tranche la main de qui tient la pierre. La douleur est insoutenable, et, incrédule, il regarde sa main mutilée tombée sur le sol, son sang s'écoulant abondamment. Le fer du glaive transperce violemment son dos, lui arrachant un nouveau cri de douleur. Une déchirure insupportable traverse sa poitrine alors que la lame ressort de son corps, laissant derrière elle une traînée de sang. Il s'effondre au sol, ses forces l'abandonnant peu à peu.
Dans un dernier éclair de conscience, il voit à nouveau le sourire du Romain
Lorsqu'il ouvre les yeux, il constate que le Romain est assis dos à la paroi de la grotte, juste à côté de lui. Se redressant, il remarque que sa main, qui avait été tranchée auparavant, est toujours miraculeusement attachée à son bras. Incrédule, il la fait bouger dans tous les sens, réalisant qu'il n'en ressent aucune différence. Le regard perplexe du Romain le pousse à arrêter ses attaques impulsives, et il décide plutôt de chercher à comprendre ce qui lui arrive.
« Yehudah », dit-il en se pointant du doigt, espérant que le Romain le comprenne. « Yehudah », répète-t-il encore une fois. Puis, il pointe le Romain et incline légèrement la tête. « Mettius », répond alors le Romain en se désignant, avant de répéter « Yehudah » en le pointant à son tour.
Les conversations allaient être longues, se dit-il en souriant.
* Eau, en hébreu
** Merci, en hébreu

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It ends with us
Mystery / ThrillerLe Lieutenant Fogelberg se retrouve confronté à des crimes aussi horribles qu'insaisissables : une femme pendue dans un parc, un homme crucifié dans un motel... Aucun indice ne permet de mettre la main sur les coupables, et l'enquête semble s'enlise...