Chapitre 31

26 5 0
                                        

Jérusalem

An 34 d'Hérode Antipater

An 16 de Tibère


Depuis quelques semaines, nous recevions des rapports faisant état de mouvements d'agitateurs, toujours en rapport avec la venue tant attendue du Messie.

À l'approche de la Pascha, le Praefectus Pontius Pilatus quitta sa résidence de Césarée, le siège de l'administration de la province de Judée, accompagné d'une cohorte, pour nous rejoindre à Jérusalem, dans la forteresse Antonia.

Un serviteur du Sanhédrin nous informa un peu plus tôt de l'agitation à la porte de l'est, où un homme se présentait comme le Messie. Sans attendre, j'ai pris mes armes, ma lorica, ma cuirasse, et j'ai rejoins mes hommes au pas de charge. Arrivé sur place, je vis un homme juché sur un âne, entouré d'une foule en délire, chantant des louanges au son de cithares. Ils jetaient des manteaux et des branches de palmiers devant lui, un geste symbolique de leur respect. Le visage de cet homme sur l'âne, sa sérénité au milieu du chaos, me laissait perplexe.

Un prêtre du Sanhédrin nous expliqua le symbolisme de l'événement dont nous étions témoins. Cela impliquait une remise en cause de l'autorité de Rome. Sans plus attendre, dès lors qu'il était question de remettre en cause l'autorité de Rome, nous chargeâmes la foule qui s'éparpilla en hurlant. La scène devint chaotique, et au milieu de la confusion, quelques hommes, femmes et enfants périrent tragiquement. Cependant, l'homme sur l'âne réussit à s'échapper, laissant derrière lui une foule bouleversée, convaincue qu'il était le Messie tant attendu.

Après l'incident, nous retournâmes dans la forteresse Antonia, avec soulagement de constater qu'aucun blessé ne fut à déplorer parmi nos rangs. Néanmoins, nous étions conscients que la situation restait précaire, et des ordres furent donnés pour doubler les patrouilles et renforcer la garde, au cas où des représailles se produiraient.

Depuis la mort d'Hérode Ier le Grand, il y a près de vingt-cinq ans, créant ainsi une vacance de pouvoir, plusieurs prétendants se sont succédé au titre de libérateur du royaume de Judée. Ces chefs de révoltes pouvaient compter sur l'appui de la population et jouissaient d'une grande popularité, étant juifs, ce qu'Hérode n'était pas. Tous ces mouvements ravivent l'espoir d'un Roi-Messie qui viendrait libérer le peuple de l'oppression étrangère. Mais chaque soulèvement fut fortement réprimé, les crucifixions témoignant de ce qui attendait les prochaines révoltes messianiques. Pourtant, malgré ces répressions sanglantes, il est difficile d'empêcher les humains d'espérer, car l'espoir est un puissant moteur qu'il est difficile de réprimer. Il se trouvait toujours quelqu'un, quelque part, pour raviver la flamme de la révolte.

Nos espions avaient désormais pour objectif de localiser ce prétendu « Messie », dans le but de réprimer définitivement tout futur soulèvement avant qu'il ne prenne de l'ampleur. Les ordres étaient clairs : il fallait agir rapidement et efficacement pour empêcher toute nouvelle agitation dans la région. Notre mission était cruciale, car le calme apparent ne signifiait pas la fin des troubles potentiels. La sécurité de la province de Judée dépendait de notre vigilance et de notre capacité à anticiper les mouvements de résistance.

Un de mes espions, grassement rétribué, m'informa du lieu de résidence de l'homme sur l'âne. Habillé en civil, je le suivais discrètement. Mon espion m'avait rassuré en m'indiquant que plusieurs Romains accompagnaient cet homme depuis plusieurs mois, écoutant ses discours. J'entrai dans une grange où de nombreuses personnes étaient assises à même le sol, captivées par les paroles de l'homme qui s'exprimait en Grec, en Hébreu et en Latin, permettant ainsi à tous de comprendre son prêche dans la communion.

L'atmosphère était paisible et empreinte d'une certaine sérénité. L'homme sur l'âne ne proférait aucun message ou incitation à œuvrer contre Rome. Au contraire, ses paroles étaient imprégnées de messages de paix, d'amour et de compassion envers son prochain. Il invitait la foule à se détacher des biens matériels et de se garder de toute cupidité, prêchant l'importance de la bienveillance et de l'entraide.

Je fus intrigué par la pertinence et la sagesse de ses paraboles, trouvant son message d'une grande profondeur et porteur d'une résonance universelle. Plus je l'écoutais, plus je réalisais qu'il délivrait des enseignements bien au-delà de simples considérations religieuses, touchant des aspects essentiels de la vie humaine.

En fin de soirée, alors que la foule se dissipait pour respecter le couvre-feu, l'homme s'approcha de moi. Son regard pénétrant se fixa dans le mien, comme s'il cherchait à sonder mon âme, et il s'adressa à moi d'une voix empreinte de sérénité et de bienveillance, comme si nous étions de vieux amis.

« Alors, qu'as-tu pensé de cette réunion ? Était-ce ce que tu attendais ? » demanda-t-il, curieux de connaître mon ressenti.

« Pour être sincère, non. Au vu des événements de ce matin, je m'attendais à quelque chose d'incitant à la sédition et non à l'amour du prochain, » répondis-je sans détour.

Il prit un moment pour assimiler mes paroles, puis poursuivit avec calme : « Crois-tu que je sois ce Messie dont Rome a peur ? »

« Non, » affirmai-je, secouant légèrement la tête, « je vois que tu cherches à préparer tes disciples à l'après-vie. Cependant, certains dans ton entourage pourraient profiter de ta popularité pour créer une révolte, et ce à ton insu. »

L'homme me regarda intensément, j'eus l'impression qu'il pouvait lire en moi, puis sourit. « Quel est ton nom, romain ? » me demanda-t-il d'une voix chaleureuse. « Je me nomme Yeshoua bar Yosef de Nasereth. »

« Je me nomme Mettius Atticus Aburius de Cære, » répondis-je respectueusement.

« Viens partager mon repas, ami. Tu pourras me poser toutes les questions que tu veux. »

Nous avons discuté toute la nuit, échangeant sur une multitude de sujets, refaisant le monde mille fois. Nos rires résonnaient dans la grange, tandis que nous abordions aussi des questions sérieuses et profondes sur l'existence et la spiritualité. Malgré les regards désapprobateurs de certains disciples, qui ne semblaient pas apprécier ma présence auprès de Yeshoua, ils respectaient ses choix et restaient à leur place. Cependant, sa famille se montrait plus ouverte et accueillante à mon égard.

Au lever du jour, nos adieux furent empreints d'une sincère affection dans une longue embrassade chaleureuse. Puis je me suis résolu à regagner la forteresse Antonia, quittant ce moment hors du temps.

Aurais-je pu prévoir les événements qui allaient se produire plus tard en journée, alors que Yeshoua se rendit au Temple ? Probablement, au vu des paraboles prononcées la veille.

Le grand-prêtre du Sanhédrin, par ses manœuvres habiles, parvint à manipuler le Praefectus Pontius et à obtenir que Rome procède à l'arrestation et à la condamnation de Yeshoua.

Les accusations portées par le Sanhédrin étaient dénuées de fondement réel. Yeshoua remettait en question leur mainmise sur le commerce du Temple et cela les inquiétait grandement. Le grand-prêtre se servit de l'ascendance de Yeshoua pour propager l'idée qu'il prétendait à la couronne en tant que descendant de David, mettant ainsi en péril l'autorité de Rome. Face à cette situation délicate, la crucifixion semblait être l'unique issue envisageable. Yeshoua en était conscient, tout comme moi, et Pontius Pilatus lui-même. Pour assurer une paix fragile avec le Sanhédrin, le Praefectus opta pour cette mesure extrême, lavant symboliquement ses mains de cette décision lourde de conséquences.

Dans son cachot, Yeshoua fit preuve d'une sérénité et d'une acceptation profonde de son destin. Il était résolu à rejoindre le royaume de son père, tournant son regard vers des horizons spirituels. Lorsque je le rejoins pour l'encourager à s'expliquer devant Pilate, il m'accueillit avec douceur et me serra dans ses bras, exprimant le souhait d'une longue vie pour moi. Sa conviction profonde dans la vérité de ses enseignements m'impressionna profondément.

J'essayai de plaider sa cause auprès du Praefectus, mais la situation était complexe, et Yeshoua semblait être devenu une victime collatérale, pris entre les rouages de deux pouvoirs qui s'affrontaient.

It ends with usOù les histoires vivent. Découvrez maintenant