65. Procès à la con

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La journée s'annonçait glaciale en ce mois de novembre. Le vent fouettait les rues, mordant sans pitié toute parcelle de chair exposée. Le verglas avait été traître la nuit dernière, mais, étrangement, toute la ville ne semblait avoir d'yeux que pour une seule affaire.

Une affaire qui avait fait couler beaucoup d'encre, qui avait défrayé la chronique new-yorkaise durant des mois entiers. Les journalistes l'avaient baptisée « La malédiction du pont de Manhattan. »

Devant les marches du palais de justice de New York, le matin du premier jour du procès, une armée de caméras, de camions surmontés d'antennes imposantes, et de journalistes accrochés à leurs micros se déployait sans surprise.

En essayant de les ignorer, ainsi que leur tapage, je regardai Chris ajuster sa cravate pour la troisième fois, l'air grave. Dans ses yeux, je voyais clairement qu'il avait bien eu besoin d'un verre pour apaiser sa nervosité, et son tic de se gratter la nuque me le confirmait.

— Ça va aller, ce sera vite terminé, lui dit Chad, bien que tout aussi tracassé.

— Jason ne viendra pas ? demandai-je.

— Il a reçu une convocation, la défense va le citer à comparaître, répondit-il.

Lui aussi, donc. Nous allions tous y passer, l'avocat d'Ayden allait nous cuisiner un à un pour trouver la faille parfaite qui pourrait innocenter son client. J'ignorais les méthodes qu'il utiliserait, mais je pressentais qu'il n'était pas trop du genre à faire dans la dentelle.

En me réveillant tôt ce matin, je m'étais fait la promesse à moi-même et à mes enfants que je ne permettrai pas que mes efforts pour sauver ma famille de ce malade soient vains. Chris cachait bien ses émotions jusque-là, mais j'avais confiance en lui pour ne pas me décevoir. Il ferait ce qu'il fallait, il ne me trahirait pas même si son amitié avec Ayden restait intacte.

— On devrait entrer, fit Chad en posant une main amicale sur l'épaule de son ami.

— Allez-y, je dois fumer. Je vous rejoins dans une minute.

Chad me fit signe de le suivre jusqu'à la salle d'audience, tandis que mon mari sortait une cigarette et un briquet. Ma bouche s'entrouvrit légèrement en découvrant l'immensité de l'intérieur. Je n'avais jamais mis les pieds dans un tribunal, et j'aurais souhaité que cela reste ainsi encore longtemps, mais il fallait une première fois à tout...

La salle était pleine, malgré la mesure de huis clos prise par le procureur. Elle aurait pu être un amphithéâtre dans une fac vieillotte. Pas de fenêtres, des bancs en bois disposés en arc de cercle, interrompus à intervalles réguliers par des escaliers menant à un espace plat. Le banc des accusés – encore vide - se trouvait proche du premier rang.

La différence avec un amphithéâtre, c'était l'estrade à trois niveaux. Sur la première marche, les greffiers allaient noter l'ensemble des déclarations, de la plus petite intervention au témoignage le plus important. Au sommet, sur une sorte de trône, un siège énorme en bois sculpté, s'assiérait le président de la cour...

— Ça ne va pas tarder à commencer. Installe-toi, je vais chercher Chris, me dit Chad, interrompant ma contemplation des lieux.

— Je suis là, se fit entendre la voix de mon époux.

Je me retournai pour le voir en compagnie d'Henri, Isaac et Nate. Heureusement, Chris avait l'air beaucoup plus détendu, et bien que je désapprouve son habitude d'empoisonner ses poumons pour décompresser, j'étais contente qu'il ait retrouvé un semblant de sérénité.

— Salut Isabella... ça va ?

Isaac m'abordait avec une certaine hésitation. Je lui souris.

— J'ai surtout hâte que toute cette histoire soit derrière nous.

Engendrement [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant