55. La cible idéale

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— Plus vite, Isabella !

— Non, Christopher, ralentis ! Je suis essoufflée ! gueulai-je, épuisée.

Il leva les yeux au ciel en freinant dans sa course, et pivota pour me faire face. Je m'arrêtai, les mains sur les genoux et la tête en bas, peinant à retrouver un rythme cardiaque régulier.

— Le footing était ton idée, ma puce, me rappela-t-il.

— Oui, mais ça fait un an que je n'en ai pas fait !

La boxe avec Chris avait été bénéfique pour mon esprit, donc j'avais décidé de reprendre la course à pied à un rythme modéré. Mon kiné pour la rééducation abdominale avait approuvé, à condition que je respecte les limites de mon corps et que j'évite de soulever des charges lourdes.

Je me redressai, essuyant la sueur de mon visage. Mes poumons brûlaient, mes chevilles et mon bas du dos étaient noués de crampes douloureuses. Malgré tout, j'étais déterminée à reprendre le sport, et Chris m'encourageait, mais il était plus sportif que moi, surtout que mon corps devait encore se réhabiliter à l'exercice.

— On a déjà parcouru quatre kilomètres, on peut arrêter là pour aujourd'hui si tu veux, me dit-il.

— Non, ça va aller, je dois rester motivée pour perdre mes kilos en trop.

Il grimaça, puis approcha ses mains froides de mes joues. Je frissonnai, arrimant nos regards.

— Chérie... Je comprends ta volonté de retrouver la forme et de te sentir bien dans ta peau, surtout au niveau psychologique, mais c'est un processus qui demande du temps et de la patience...

— Je sais, coupai-je court.

Chris était sincère et bien intentionné, mais il ne pouvait pas ressentir ce que je vivais. Seules les femmes dans ma situation pouvaient comprendre. Un peu reposée, je me remis à courir, mais remarquai rapidement que mon époux ne me suivait pas.

— Bon, tu viens ? l'appelai-je.

— Prends de l'avance, je vais prendre un café et on se retrouve au parc !

— D'accord.

Je ne m'attardai pas et repris ma course, adoptant une cadence moins rigoureuse que celle de Chris. Tout à l'heure, j'avais beaucoup de mal à le suivre, mais à présent seule, je pouvais me concentrer sur mon propre tempo.

Distraite à contempler les alentours, je heurtai malencontreusement un piéton. Son téléphone lui échappa des mains et il s'abaissa pour le ramasser. Je me confondis en excuses jusqu'à ce que l'homme relève la tête et soutint mon regard. Ces yeux. Ce visage.

— Jason...

— Salut Isabella, ça fait un bail !

Ses lèvres esquissèrent un sourire qui me hérissait les poils. C'était un rappel douloureux, celui de l'anniversaire de Chris où j'avais failli accoucher prématurément, risquant de perdre ma fille. À cause de lui. À cause de ce type hypocrite qui m'avait prise pour une idiote !

Sans pouvoir contenir ma colère, ma main s'abattit sèchement sur sa joue. Ses yeux s'écarquillèrent alors que son visage pivota sur le côté. Ça ne changeait rien à ses actes, mais au moins, je me sentais beaucoup mieux maintenant. Je le dévisageai quand il me sourit de nouveau, l'air narquois.

— Je vois que tu m'en veux toujours ! Ça fait cinq mois, Isabella. Il est temps de tourner la page, tu ne crois pas ?

— Ce que tu as fait, je ne suis pas prête à l'oublier ni à te pardonner ! J'ai failli perdre mes bébés à cause de toi ! aboyai-je.

Engendrement [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant