6. Bienvenue à Mermaid City (1/3)

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« Bienvenue à Mermaid City »

Le panneau de bois est immense, posé au-dessus de l'arche d'entrée. L'inscription dessinée en lettres pailletées annonce les couleurs. 

Une partie de la Grande Plage a été privatisée pour les merfolks et les visiteurs du monde entier. Sur le sable, de nombreux chemins en bois ont été aménagés. Dans des chariots customisés pour l'occasion, sirènes et tritons déambulent, tirés par un coach, leur partenaire ou un ami. Une aubaine pour Jade qui peut se déplacer sans aucune difficulté. Elle remarque que d'autres personnes en fauteuil roulant sont venues assister à l'évènement.

‒ Il ne fait pas trop moche, pour la saison, avait dit Nella dans leur van. On a de la chance, mais j'espère vraiment que les organisateurs vont réussir à décaler l'évènement en mai les prochaines années !

‒ L'eau doit être glaciale... avait supposé Jade.

‒ Oh, oui ! Mais on est équipé pour : combinaison quasi intégrale. C'est pour ça aussi que c'est dommage. C'est moins glamour pour les puristes. Mais certains tentent les plongées avec le haut du corps à nu.

« Le haut du corps à nu » avait résonné étrangement aux oreilles de Jade.

Avec Jérémie, ils l'avaient quittée au croisement du blocs de sécurité et des vestiaires. Sa sortie avait été minutieusement préparée. Alors elle se sentait d'attaque pour se débrouiller seule. Après un selfie envoyé à sa grande sœur, elle avait retroussé ses manches et s'était dirigée vers l'entrée des visiteurs.

Dans ce secteur, protégés par des palissades et une sécurité des plus étonnante, Jade se sent comme dans une bulle. Elle ignore la douleur qui s'installe au-niveau de son coccyx, et tourne vers le stand de shooting photo. 

Moonest Blue pose avec deux enfants. Jade aurait pu la reconnaître, puisque Nella partage souvent ses posts en stories. La sirène vient de Floride et son look presque inchangé depuis des années est devenue une marque de fabrique. Elle travaille d'ailleurs à la sortie d'une poupée à son effigie. 

Les sponsors se l'arrachent. Le stand gonflable en est la preuve. Pas cheap pour un sou, il est en forme de rocher, dans un design élégant et brut. L'aspect doré fait ressortir la beauté de sa peau sombre. On retrouve des lignes d'or sur son maquillage, couplé d'un bleu profond qu'elle semble avoir capturé de ses écailles de silicone. Ses longues boucles d'ébène sont retenues par deux étoiles de mer carmin, le même que ses lèvres et que son soutien-gorge. 

De la haute couture.

Jade immortalise son sourire et celui des enfants sur son smartphone, puis elle poursuit sa route. L'ambiance lui rappelle le marché provençal d'un village de vacances de son enfance. Sauf que sur les étals, ce n'est pas des olives, du fromage, ou du poisson – quoi que...

Produits dérivés de merfolks célèbres, articles de plongée et combinaisons colorées s'entremêlent. Un des stands attire les badauds et les professionnels, celui du Pirate Amoureux, un artiste et ingénieur américain qui a développé les plus belles et les plus performantes queues de mermaiding. Les commandes sont chères et la patience nécessaire pour qui voudra ses nageoires de rêve.

Jade observe les modèles tests prévus pour l'année à venir. Cela l'impressionne, autant qu'elle les trouve étrange, dépossédées de leur athlète et pendant mollement sur un cintre. L'une d'elles à des nageoires si grandes qu'elle se demande quelle sirène aurait assez de force pour la mouvoir.

‒ Celle-ci, c'est uniquement pour les shootings en piscine ou sur le bord de mer, explique un homme se tenant à quelques centimètres.

‒ Ah oui ? répond-elle en se retournant vers l'inconnu tout en resserrant sa couverture.

‒ Oui, elle est bien trop compliquée pour une nage longue, d'autant plus en mer. J'ai vu que vous restiez perplexe devant. 

‒ Ça m'intriguait, c'est sûr... 

Les hauts-parleurs appellent les coachs et les merfolks pour le bain de mer.

‒ Ah, c'est pas trop tôt ! affirme-t-il en s'activant vers la mer. Profite-bien du spectacle !

Jade se félicite d'avoir pu échanger quelques mots. Si elle l'avait eu en face dès le début, elle se serait sûrement renfermée.

L'inconnu pourrait bien se nommer Apollon.

Perle de l'AtlantiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant