Perle de l'Atlantique

16. Waterhouse (4/5)

La lune pleine semble prête à frôler l'horizon. Goran et Jade sont seuls, admirant la mer scintillante dans la nuit calme.

‒ Tu penses à quoi ?

‒ A tellement de choses... Tu sais que je me suis pincée pendant les interviews ? Je me disais : « c'est pas possible, tout ça n'est pas réel ! ».

‒ On t'avait dit que ta vie changerait.

‒ Oui... Je t'avouerais que j'ai eu du mal à me concentrer. La proposition de Déborah tournait dans ma tête pendant les questions des journalistes.

‒ C'est compréhensible. Je t'assure que je n'en savais rien. Mais si tu acceptes, tu seras dans l'un des plus beaux aquariums du monde, et sûrement la sirène la mieux payée aussi.

‒ Le Japon... C'est tellement étrange. J'ai eu l'impression que c'était un signe.

‒ Ah oui ?

‒ Oui, de ma grand-mère et de ma mère.

‒ Il n'y a peut-être pas de hasard.

‒ Je n'ai jamais pensé à aller vivre là-bas. Tout m'est si inconnu.

‒ Tu n'en as jamais eu envie ? 

‒ Toute adolescente, quand je faisais ma crise, je menaçais ma mère en lui disant que j'irai vivre là-bas. C'est drôle, quand j'y repense... Mais... je ne sais pas... J'ai l'impression de commencer à trouver ma place.

‒ Tu es simplement plus en paix avec toi-même.

‒ Sûrement. Mais... enfin... il y a des personnes qui comptent pour moi, et que je m'imagine pas perdre de vue.

‒ Ta sœur ?

‒ Oui, mais pas que...

‒ Et ça peut être une expérience pour cinq ans. Tu pourrais revenir ensuite. Ton expérience t'ouvrira toutes les portes dans la profession, si tu souhaites toujours en faire ton métier.

‒ Je ne me sentais pas encore légitime, il y a une semaine.

‒ Content que tu l'acceptes enfin.

‒ Et, au fait, toi ? Qu'as-tu dit à SeaWill ? Tu vas rester ici ?

Goran semble en proie à des pensées contradictoires. 

‒ Je... c'est compliqué. 

‒ Pourquoi ?

‒ Si tu pars au Japon, ce sera plus facile. Je ne serais plus ton coach et pourrait entraîner SeaWill.

‒ Ta réponse dépend de moi ?

‒ Pourquoi tu te fâches ?

‒ Désolée, mais tu dois prendre ta décision pour toi et tes envies. Si tu veux mon avis, SeaWill est un peu une girouette !

‒ Si tu veux mon avis, la Perle de l'Atlantique est jalouse.

Jade se détend mais la gravité est toujours pesante, autour d'eux, comme une brume qui ne veut pas se dissiper.

‒ Qu'est-ce qu'il y a ?

‒ Désolée, mais c'est plus concret maintenant. Et... je ne sais pas, ce sont des choix très importants quand même. Je pourrais avoir d'autres propositions...

‒ Pas aussi belles, je pense.

‒ Et toi, alors, qu'est-ce que tu veux vraiment ? L'Amérique ? La France ?

Le jeune homme prend machinalement une poignée de sable qui s'évapore de ses doigts.

‒ Je veux quelque chose qui semble impossible.

Jade voit clairement le regard de Goran sur elle. Elle hésite.

‒ Qu'est-ce que tu veux, Goran ?

Il se rapproche d'elle.

‒ J'ai peur de le dire à voix haute, et de perdre toute chance de l'avoir un jour.

Il n'y a plus aucune tension dans l'air. C'est une autre émotion qui monte. La plage semble s'effacer, ils ne sont plus que deux corps, attirés l'un vers l'autre. C'est la même émotion que lorsque Jade était sous la pluie, sur son dos.

‒ Dis-moi, murmure-t-elle.

‒ Jade, depuis des mois, je ne pense qu'à toi. C'est plus fort que tout. Plus fort que la raison, que les choses qui me paraissaient évidentes jusqu'à maintenant. Le passé, le présent, l'avenir, je ne sais plus rien, si ce n'est cette envie de te serrer contre moi. Je veux te sentir, je veux passer du temps avec toi, je crois... 

Jade a posé ses lèvres sur les siennes. Ils sont surpris par ce courant qui les électrise et s'écartent un instant.

Ils se regardent. 

Goran pose sa main sur sa joue, approche son visage avec douceur et l'embrasse lentement, savourant le goût d'un baiser tant attendu. Jade l'entoure de ses bras. L'étreinte et les baisers se font plus sauvages.

‒ Attends !

‒ Quoi ?

‒ Je... je...

Jade reprend son souffle. Elle aimerait lui dire ses peurs. Elle n'a jamais connu le sexe avec un homme depuis son accident. Elle craint qu'il ne se révulse, s'ils vont plus loin.

‒ Je ne ferais rien qui te mettent mal à l'aise.

Elle laisse passer quelques secondes.

‒ On va dans ta chambre ?