Il pleut. Encore.‒ J'aime la pluie du pays basque, annonce Goran.
Revenus de l'entraînement, lui et Jade espèrent se réchauffer auprès du feu de cheminée. Depuis plusieurs jours, l'humidité persiste.
‒ C'est de l'ironie ?
‒ Non, j'adore entendre les gouttes tomber, et savoir que je serai, ou que je suis, au chaud à l'intérieur.
Il allume une bûche et se frotte les mains.
‒ Tu as besoin de quelque chose ? demande-t-il en voyant qu'elle est restée sur le tapis de l'entrée.
‒ Tu peux me passer un vieux torchon ? Que je ne salisse pas ton salon, comme hier !
‒ T'inquiète, Jade, je m'en fiche.
‒ Pas moi.
‒ Ok, mais laisse-moi le faire pour toi.
Elle préférerait refuser, mais force est de constater qu'elle ne pourra pas nettoyer ses roues en entier sans devoir avancer son fauteuil sur le parquet. Goran revient avec une guirlande de papiers Sopalin puis s'agenouille pour essuyer les pneus.
‒ Moi aussi, j'aime la pluie, poursuit Jade, plus pour briser le silence de la scène qui la gêne. Quand j'étais petite j'adorais courir sous la pluie... J'en ai toujours envie quand il pleut. Enfin...
Goran s'est relevé. Jade semble s'être refermée dans son monde des mauvais jours.
‒ Tu veux qu'on aille sous les gouttes ?
‒ Goran, tu viens de sécher mon fauteuil...
‒ Je ne te propose pas de te pousser, mais bien de courir sous la pluie.
‒ Mais, regarde-moi...
Il se penche.
‒ Je peux ? demande-t-il en montrant la ceinture qui la retient.
‒ Oui, mais... qu'est-ce que tu vas faire ?
Goran sourit mystérieusement, la détache puis ouvre grand sa porte d'entrée avant de s'accroupir.
‒ Tu peux grimper sur mon dos, vas-y !
‒ Mais... Goran...
Elle s'exécute pourtant, resserre sa prise autour de ses épaules solides. Goran se remet debout avec une fluidité déconcertante, puis sort sur le perron.
‒ Prête ?
‒ Oui !
L'élan le fait rire.
‒ T'es une vraie sirène, pas de doute ! C'est parti pour le grand bain !
Jade crie de plaisir alors qu'il s'élance sous l'orage. Il sort du quartier et regagne le sentier de la plage. Aucun promeneur ne croise leur chemin, ils sont seuls au monde.
Des rires seuls qui éclatent comme des bulles, portés et assourdis par le vent pluvieux.
Goran et Jade sont trempés. La blondeur du jeune basque a fait place à un châtain foncé alors que les lianes de pétrole se collent au dos de Jade.
Goran ralentit le rythme, puis tourne lentement, levant la tête et tirant la langue pour recueillir l'eau. Jade l'imite.
‒ Ça va derrière ?
‒ Oui, mais, t'es fou, tu vas t'épuiser !
Derrière le rire, il semble à bout de souffle.
‒ Ça valait le coup, non ?
‒ Oui.
Spontanément, Jade se rapproche au plus près, l'enlace avec chaleur.
Les rires ont cessé, mais pas la pluie. Goran tourne la tête, espérant qu'elle voit son sourire.
‒ Allez, on rentre.
Les cinq minutes sont silencieuses. Goran puise dans ses forces pour garder la fluidité de sa marche. Jade sent ses bras se tétaniser.
‒ Repose-moi sur le canapé, dit-elle pour plus de facilité alors qu'il passe sa porte.
Le plus délicatement possible, il la dépose sur la méridienne, puis s'assoit sur le tapis, essoufflé.
Genoux repliés, dos contre le canapé, il reprend sa respiration. Jade hésite à le toucher. Elle se redresse, ramène ses cheveux sur sa poitrine pour éviter de mouiller davantage les coussins.
‒ Alors, Jade, t'aimes toujours courir sous la pluie ?
‒ Oui.
Mais Jade, à cet instant, aime autre chose.
En média: Hugo Barriol, The Wall
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Perle de l'Atlantique
General FictionLe monde de Jade s'écroule lorsqu'elle perd ses deux jambes, après qu'un chauffard l'a renversée. Les mois qui passent sont témoins de sa dépression. Elle décide de quitter la capitale et se terre dans une petite station balnéaire désertée pendant l...