16. Waterhouse (5/5)

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Les gestes de Goran sont doux. Pourtant, les émotions du jeune basque explosent à l'intérieur de lui, plus fortes que les vents des orages d'été.

Ils sont face à face, allongés sur le lit, s'embrassant en oubliant les minutes qui passent.

Frissons, sous la chaleur de ses mains qui parcourent le corps de la jeune femme.

Goran plonge sa tête dans son cou, le couvre de baisers pendant qu'elle l'étreint plus fort, sentant les muscles bandés sous ses doigts. La force du dos, la vallée de ses fesses et le trésor caché qui se rapproche du sien.

Dans le ventre de Jade, s'en est tout soulevé, tout chaud aussi. Si la joie et le plaisir n'étaient pas aussi haletant, elle en pleurerait.

C'en est presque irréel, trop beau pour être vrai.

‒ Oh, Jade... Si tu savais depuis quand je rêve de ça... murmure-t-il.

Elle sent ses lèvres sur son oreille, est électrisée par un courant qui court le long de son corps.

Ils s'offrent l'un à l'autre, ne pouvant retenir plus longtemps le chant de leur désir.

C'est une symbiose parfaite, l'un dans l'autre.

Aux va-et-vient sensuel et timide succèdent une alchimie grandissante.

Goran se met sur le dos, portant Jade par-dessus lui. Il la guide, tenant ses hanches, puis caresse ses cuisses. Sans contenir son ardeur, Jade replace les mains de Goran plus haut, encore complexée.

Il se redresse, en position assise.

Jade sent la profondeur. Il touche son âme, il touche son secret le plus intime.

Elle explose, et lui aussi.

Trempés de sueur, dans un dernier baiser de bonheur et de larmes, encore gémissant, ils s'endorment.

Jade ne s'est jamais sentie aussi entière. Elle ne se rappelle plus de ses rêves, mais le réveil semble tout aussi idyllique.

Goran a encore les yeux fermés, malgré le soleil qui se fraie un chemin à travers les rideaux. C'est la première fois qu'elle peut l'observer d'aussi près, aussi longtemps. Elle détaille cet homme si beau, cet Apollon qui lui a échangé deux mots devant le stand alors qu'elle n'était qu'une inconnue. Ses sourcils larges sont bien sages dans le sommeil. Elle frôle sa joue, il sourit. Elle veut l'embrasser, lui, le beau blond au nez de statue grecque.

Il la surprend, il trouve le chemin de ses lèvres en premier. Puis il lui fait comprendre qu'il est prêt à lui refaire l'amour.

‒ Goran, j'en ai envie, mais je meurs de faim... et surtout, j'ai envie d'aller aux toilettes.

‒ Bien sûr !

Il se lève, enfile un caleçon qui ne dissimule en rien son membre dressé et se propose de la porter.

‒ Installe-moi juste sur le fauteuil, je vais me débrouiller, propose Jade, sans cacher le sourire dans sa voix à la vue de l'effet qu'elle provoque chez Goran.

‒ Je nous fais amener le petit-déjeuner, dit-il en prenant le téléphone pendant qu'elle roule jusqu'à la salle de bain.

Le temps qu'elle se rafraîchisse et qu'elle revienne dans la chambre, le plateau des gourmandises est déjà sur la table, à côté de Goran qui a passé un T-Shirt sur le dos, toujours en caleçon mais cette fois sans tour érigée.

‒ J'ai pris tout ce que tu aimes.

‒ T'es parfait.

Ils se regardent.

‒ Je souris comme une idiote depuis tout à l'heure.

‒ T'es très belle.

Jade rougit en saisissant un pancake.

‒ Heureusement qu'on a dormi un peu... Avec les shootings photos prévus aujourd'hui et demain.

‒ Et dire qu'on part déjà mardi !

‒ Oui. Mais ça paraît déjà si loin, quand nous étions en France.

‒ Il s'est passé tellement de choses... Et, du coup, va falloir qu'on se décide pour la suite. Pour le Japon, faut en reparler, mais je pourrais peut-être t'accompagner ? Ou si vraiment tu veux pas, rester ici et voir les opportunités ? On trouverait un logement sympa...

C'est la tempête dans le cerveau de Jade.

Repenser aux derniers mois, au concours, à l'exposition dans les médias, à la proposition de Déborah, à cette nuit avec Goran, à Goran.

‒ Euh... attends, c'est trop d'un coup...

‒ Je comprends. Mais penses-y vite ! Oh, je suis heureux, si tu savais... Ces projets auxquels je pense pour nous deux.

Jade repose son pancake et boit un verre d'eau.

Quelque chose ne va pas.

Vivre avec Goran en tant que sa protégée, dans un rythme d'entraînements quasi quotidiens, c'était finalement agréable et naturel.

Vivre avec Goran en tant que sa petite amie, dans un quotidien intime, elle n'y croit pas.

Devenir un poids, lui faire subir les inconvénients auxquels elle fait face.

‒ Je...

‒ Jade ? Ca ne va pas ?

‒ Goran, je suis... je ne peux pas me projeter avec toi. Cette nuit, c'était magique, vraiment.

Lui dire ces mots lui fait mal. Son corps lui crie de recommencer leur étreinte, elle n'attend que ça, mais sa tête la bloque et lui renvoie au visage tous ces moments durs de sa nouvelle vie : la perte d'autonomie, les contraintes, l'amputation.

Goran est sonné, il ne comprend pas son revirement, cette froideur soudaine.

‒ Je ne veux pas être en couple. Tu comprends ?

‒ Mais... il s'est passé quelque chose, entre nous... On est plus que ça, hein ? Si tu as peur de l'engagement, je peux attendre, ne t'inquiète pas. On verra où cette histoire nous mène.

Jade recule.

‒ Faut que je me prépare avant d'aller au shooting.

Elle recule puis fait demi-tour. Derrière elle, Goran poursuit, la voix emplit de peine :

‒ Sache juste que tu es exceptionnelle, et que... passer ma vie sans toi me semble impossible.

Jade se contient, pourtant ses yeux se noient de larmes.

Elle ne se retourne pas et sort de la chambre, laissant flotter dans l'air les paroles de Goran.

Perle de l'AtlantiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant