13. Le cerisier (2/4)

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Rester impassible devant le buffet du petit-déjeuner tient de l'extraordinaire. Une vraie corne d'abondance matérialisée sur une nappe bleue et blanche : pâtisseries pastel, cascades de fruits frais et secs, boissons claires et colorées, viandes et fromages du monde et, bien sûr, crêpes, beignets et pancakes saupoudrés d'une couche de neige sucrée, de chocolat fondu ou de sirop d'érable.

Mais ce matin, ni Jade, ni Goran, n'a pu remplir son assiette. Entre deux grandes coupes en verre remplies de mets, ils se sont regardés, pour finalement se contenter d'une tasse de thé et d'une crème aux fruits rouges.

Difficile de garder son sang froid dans ces moments d'excitation. La convention va officiellement commencer et, avec ça, la compétition. 

C'est aujourd'hui que Jade va tourner son portrait officiel, celui qui sera diffusé sur les écrans de l'évènement, parmi ceux des autres participants, ainsi que sur les réseaux sociaux, TikTok en tête.

‒ On aurait pu filmer mon spot ici. Je suis sûr que le bleu et le orange criards de l'hôtel mettraient en valeur mon teint ! ironise Jade devant les parasols de la piscine.

Goran dépose leur plateau sur une table libre, à l'exception de quelques miettes. Jade, une fois bien calée, les dégage d'un revers de main pour qu'il le replace au centre. 

‒ Tu sais, ça me manque des fois, notre routine, dit Goran.

‒ C'est vrai que ça change. On s'était habitué... D'ailleurs, j'en profite pour te remercier encore de m'avoir accueillie chez toi.

‒ De rien. Tu t'es donnée à cent pour cent ! Motivation sans faille. C'est rare !

‒ Tu as sûrement connu ça avec SeaWill.

‒ Oh, détrompe-toi... Je l'adore, mais il peut avoir un caractère de cochon. Tu fais bien d'en parler. Il veut que je reprenne les entraînements avec lui. Celui qui le démarchait ne lui convient pas. Il dit qu'il a pu prendre du recul, avec sa pause.

‒ Je ne savais pas qu'il s'entraînait avec un autre coach.

‒ Il a voulu tenter. Plus d'argent, plus de sponsors, et un coach américain. Mais apparemment ça ne le fait pas. Il m'avait prévenu qu'il ne partait pas définitivement. Il a dû sentir le coup venir. Il a un caractère de cochon, je te dis, mais il a surtout une très bonne intuition.

‒ Ça veut dire que tu vas rester ici, aux États-Unis, après la convention ? demande Jade de sa voix la plus assurée.

‒ Je ne sais pas encore...

Nella surgit, les deux mains chargées d'assiettes pantagruéliques. 

‒ Je vous ai manqué ?

‒ On s'est quittées y'a vingt minutes... T'en a pas marre de prendre des bains, d'ailleurs ? Après tout ce temps qu'on passe dans l'eau...

‒ Et mon gommage alors ? Touche comme elles sont douces.

‒ Tu vas faire tomber tes beignets.

Nella s'assoit, de manière mélodramatique.

‒ Je ne sais pas comment tu fais...

‒ Ma p'tite Jade, faut pas stresser. Les portraits, c'est que du fun !

‒ Je ne le suis pas...

‒ Être ironique, c'est être fun. Allez, avale-moi au moins un de ces beignets. Comme disait ma mère, un sac vide, ça ne tient pas debout !

Jade se retient de lui dire qu'une amputée non plus...

Perle de l'AtlantiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant