21. Une minute (3/3)

109 26 9
                                    




Goran lui a répondu dans la minute :

Demain, sur notre plage. Je suis heureux, Jade, que tu m'aies écrit.

C'est là qu'ils ont passé le plus clair de leur temps d'entraînements en mer. Une crique qui a connu leurs espoirs, leurs douleurs, leurs sueurs. Elle n'a plus rien du lieu inconnu et beau des débuts. C'est un océan de souvenirs communs.

Pour venir, Jade est passée pas loin de la maison de Goran. Elle en a été toute émue aussi, se revoyant y vivre les semaines.

Goran est déjà là, bien visible avec son T-Shirt bleu électrique et sa tignasse blonde léchée par le vent. Il s'est tourné au moment où Jade descendait sur le sable.

Le sourire de Goran.

Éclatant.

‒ Quel progrès ! dit-il en constatant la fluidité de ses pas sur ses prothèses.

Elle sent qu'il est sincère, mais qu'il aurait surtout aimé dire autre chose que cette phrase en premier échange, des semaines après leur séparation en Floride.

‒ Bonjour, Goran.

‒ Bonjour, Jade.

‒ Tu peux marcher ? Ou tu préfères t'asseoir ?

‒ Marchons, je veux bien. Je tremble un peu.

‒ Pourquoi ? S'étonne-t-il alors qu'il fait déjà chaud.

‒ Je suis très touchée, de te revoir, après ce qu'il s'est passé entre nous, admet-elle.

‒ Moi aussi. J'ai les mains moites, si tu veux savoir !

Ils longent le bord de l'eau. La marée monte autant que leurs sentiments.

‒ Tu vas bien ?

‒ Très bien, répond-elle. Mais c'est surtout moi qui voulais te poser la question. Pourquoi tu n'es pas resté là-bas ? SeaWill a refait des siennes ?

‒ Non, pour une fois, il était motivé et beaucoup plus discipliné pour ne pas se laisser déborder par ses travers. Non, je n'avais vraiment pas la tête à ça. Je vais être franc, j'ai pris cette décision à la hâte, et je sais que j'allais devenir un mauvais coach avec lui.

‒ Ah bon ?

‒ Lorsque Nella m'a appris que tu t'installais ici, je n'ai pas pu résister. C'était plus qu'un signe, il fallait que je revienne. Je sais ce qu'on s'est dit, je sais ce que tu penses, mais moi, j'aimerais tellement de prouver le contraire. Je sais lire les signes, j'ai bien lu ton « je t'attends », alors j'ai espéré que toi, de ton côté, tu avais peut-être fait le tri. Attends, juste un instant, je voudrais terminer avant ! Si ça ne devait pas se poursuivre, notre histoire, ce serait du gâchis de ne pas poursuivre notre entente professionnelle ! Je veux continuer à t'entraîner, à te coacher, à soulever les montagnes, surveillez tes contrats, partager ta passion. Et si j'osais aller plus loin, parce que la vérité, c'est aussi que je veux te voir le matin, le midi et le soir. Je t'aime.

L'émotion de Goran est palpable, elle s'infiltre dans l'âme de Jade, dont les yeux se chargent d'écume. Ce n'est que de la joie, celle tant espérée lorsqu'elle savait l'amour si proche.

Ça lui rappelle surtout les mois passés avec Goran. Elle s'est toujours senti en sécurité avec lui. Dans la mer, dans le bassin aquatique, dans les restaurants, dans ses bras. C'est lui qu'il lui faut, il a été un cœur étanche pour supporter ses larmes, et maintenant, place au bonheur véritable.

‒ Tu m'as rendu si vivante et si... complète. Sans toi, je ne sais pas ce que j'aurais fait.

‒ Tu t'en es sortie parce que tu avais de la force.

‒ Je sais pertinemment que je n'aurais pas réussie seule, et je n'ai aucun mal à le reconnaître. Ma sœur, Nella, toi.

‒ On va dire, que c'est un travail d'équipe.

‒ Avant de te répondre, sache que je suis venu ici pour un projet. Tu n'aurais pas à gérer ma carrière, je prends la main. Mais avec ton aide, si tu veux bien. Je suis censé commencé la phase de recrutement.

‒ C'est donc un entretien d'embauche.

‒ avoue que tu n'en as pas connu des aussi agréables.

Le sourire de Goran enflamme la sirène.

‒ Tu m'avais demandé, poursuit Jade, pourquoi je voulais faire du mermaiding.

‒ Oui, c'était ma première question, lorsque tu as voulu que je devienne ton coach.

‒ Au départ, je pensais que c'était pour me dépasser, pour rejoindre une famille, celle des excentriques, des différents, pour oublier, pour... enfin, tu vois l'idée ?

‒ Oui.

‒ La vérité, et là encore je n'ai aucune honte à l'avouer, c'était « parce que c'est toi ». C'est toi devant le stand à la convention de Biarritz qui me parle, c'est toi qui me porte dans la mer, et ensuite c'est toi, tout le temps. Si je ne t'avais pas rencontré ce jour-là, je pense que je n'aurais pas été aussi loin.

Goran l'écoute, attentivement, et toujours aussi ému. Les mots manquent de sortir. Ses yeux capturent les humeurs du ciel. Jade en est troublée.

‒ Tu sais, puisqu'on en est aux confidences, je t'avais repérée devant le stand.

‒ Comment ça ?

‒ Je ne t'ai pas parlé pour être poli. Quelque chose dans ton regard m'a profondément touché. Une force derrière ta tristesse. Peut-être que c'est ce que j'ai voulu voir. J'ai eu l'impression de voir quelqu'un en qui je me reconnaissais.

‒ Je... je n'aurais pas pensé...

‒ Jade ?

‒ Oui, Goran ?

‒ J'ai terriblement envie de te serrer dans mes bras et de t'embrasser.

Elle comble le vide entre elle et lui. C'est un baiser de retrouvailles tendre sur les lèvres et brutal dans les cœurs.

Une minute peut tout changer.

Goran ramène Jade chez lui, dans la maison qui a vu grandir un amour partagé.

Elle se sent de retour chez elle.

Son corps ondule dans un autre paysage. Celui du bel Apollon au goût de sel et de vent.

Cette nuit-là, Jade a définitivement traversé le miroir.

Perle de l'AtlantiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant