CHAPITRE 7

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Dimanche
13 novembre

    J'entre dans la chambre d'Alice pour la réveiller. Étant donné qu'on s'est tous les deux couchés un peu plus tard la veille pour regarder un dessin animé, je l'ai laissé dormir plus longtemps. Cependant, lorsque je passe la porte, je suis surpris de la voir assise sur la chaise de son petit bureau.

— Qu'est-ce que tu fais?

— Je dessine!

    Je la rejoins et regarde la feuille posée devant elle.

    C'est ce qu'on appelle un dessin coloré.

— T'étais pas censée dormir?

    Alice lève la tête vers moi.

— Si, mais c'est pour Joyce! Elle m'a promis de m'offrir des bonbons si je lui faisais un dessin. Il faut que je me dépêche à le finir avant qu'elle les mange.

    C'est quoi cette histoire?

— Elle t'a promis des bonbons?

— Oui! Même qu'elle m'a déjà donné un paquet, me dit-elle fièrement en me montrant un sachet sur un petit meuble.

    J'ai un mauvais pressentiment. Pourquoi ferait-elle cela contre...un dessin?

    Je serre les poings. Mademoiselle Muller a sûrement une autre idée derrière la tête et ça ne me plaît pas du tout.

— Continue de dessiner ma puce. Je vais chercher le courrier, je reviens vite, mente-je.

    Je sors en trompe et vais directement sonner chez Mademoiselle Muller en tentant de contenir ma colère du mieux que je peux. Elle ne tarde pas à m'ouvrir, vêtue d'un pyjama à l'effigie du Roi Lion et un sourire innocent aux lèvres qui disparaît en me voyant. Je ne lui laisse pas le temps de m'embobiner.

— Qu'est-ce que vous faites avec ma fille? lui demandé-je sur un ton qui laisse clairement apparaître ma méfiance envers elle.

— Que voulez-vous dire?

    Qu'elle essaye de me manipuler! Cela fonctionne peut-être avec Alice mais pas avec moi. J'ai pris l'habitude de me méfier constamment des personnes qui m'entourent. Je n'accorde pas ma confiance aussi facilement.

— Je vous vois venir avec vos plans!

— Mes plans? fait-elle mine de ne pas comprendre.

— Vous ne me la ferez pas à moi! ricane-je. Franchement, utiliser ma fille pour m'approcher? Si vous voulez une promotion, il faudra bosser comme tout le monde!

    J'ai beau être le fils de l'ancien directeur, j'ai dû mériter ma place et trimer deux fois plus que les autres pour en arriver là où j'en suis maintenant et prouver ma valeur.

— Pardon? Je n'ai jamais demandé de promotion!

— Pour l'instant!

    Ça ne serait tarder!

— Je ne suis ici que depuis deux semaines! Qui demanderait une promotion après seulement deux semaines?

— Alors quoi? Vous voulez me séduire en faisant amie-amie avec Alice dans le but de me soutirer de l'argent? Vous pouvez toujours essayer de profiter de la situation. Mais je préfère vous prévenir, la dernière qui a essayé de me mettre dans son lit était celle que vous remplacez.

Et l'autre est dans un asile.

    Sauf que celle-ci n'avait jamais approché Alice. Cela fait des années que je la protège de la folie des femmes. Je ne vais pas me laisser faire!

— Je voulais juste faire plaisir à votre fille! me ment-elle droit dans les yeux.

    Je m'avance et la fusille du regard.

— Personne ne fait quoi que ce soit sans attendre quelque chose en retour. Et vous devez faire partie de la pire espèce pour manipuler une petite de cinq ans.

    Sur ces mots, les yeux que j'avais, la veille à la librairie trouvé si charmants, me lancèrent des éclairs.

    Elle montre enfin son vrai visage!

***

    Cette fois s'en était trop! Et s'il croit m'intimider avec son mètre quatre-vingt-dix et ses airs sombres, il se fourre le doigt dans l'œil! J'ai beau faire vingt-cinq centimètres de moins, je ne compte pas le laisser affirmer n'importe quoi sur moi!

    Alors, je lui crache tout ce qui me viens à l'esprit:

— Ce n'est pas ma faute si vous voyez le mal partout et que vous êtes incapable d'imaginer le fait qu'une personne puisse faire quoi que ce soit par générosité! Ce mot ne vous dit sûrement rien d'ailleurs! Votre fille m'a juste demandé des bonbons. Des bonbons! C'est tout! Je n'ai aucune envie de vous séduire! Je me demande même quelle femme serait assez folle pour le faire. Je n'en ai rien à foutre de votre argent et de votre histoire de promotion. Enfaite, je ne veux absolument rien recevoir de vous! Les remarques odieuses et les regards désobligeants que vous m'offrez au quotidien me suffisent amplement pour savoir que je ne veux rien avoir à faire avec vous. Sur ceux, bonne journée! conclue-je en lui claquant la porte au nez.

    Non!

    Je n'en ai pas fini avec lui! La main toujours sur la poignée, je la tire pour ajouter:

— Et vous direz à votre fille qu'elle n'aura pas ses bonbons à cause de son père qui est bien trop con pour comprendre que sa voisine a juste voulu être gentille avec elle! Oh! Et je ne voudrais surtout pas donner l'impression de profiter de la situation, comme vous le dites si bien! Si elle les veux, il lui faudra votre accord!

    J'ai presque refermé la porte lorsque je me rends compte que j'ai oublié un détail. Je la rouvre une dernière fois.

— Et son dessin! Votre accord et son dessin. Elle m'a promis de me l'offrir.

    Je ferme définitivement la porte et me laisse glisser par terre.

    Je devrai faire ça plus souvent. Ça fait un bien fou.

    Un sourire apparaît sur mon visage en me remémorant l'expression de mon patron. Il n'avait pas l'air d'être habitué à ce qu'on lui tienne tête. Le pauvre n'a pas dût comprendre ce qui lui arrivait.

    Je repars m'asseoir pour finir mon petit-déjeuner et savourer cette petite victoire lorsque mon cerveau se met soudain en marche.

— Merde! m'exclame-je en enfouissant ma tête dans mes mains.

    La réalité me rattrape et je me décompose. Ai-je vraiment dit ça à mon patron? Qu'est-ce qu'il m'a pris? Ce n'est absolument pas une victoire mais un échec cuisant!

    Après ça il sautera certainement sur la première occasion pour se débarrasser de moi...

    Quelle conne!

***

    Je m'attends presque à ce qu'elle réapparaisse dans l'entrebâillement de la porte, pour m'abasourdir une nouvelle fois d'un flot de paroles, mais cela n'arriva pas.

    Je ne comprends plus rien.

    Elle affirme ne pas être intéressée par mon argent, mais elle n'a pas pu faire ça par simple générosité? Les femmes ont toujours une idée derrière la tête. Je le sais puisque j'en ai moi-même subis les conséquences. Et Mademoiselle Muller ne fait sûrement pas exception à la règle. Pourquoi serait-elle différente?

    Plus tard dans la soirée, je me fis la remarque que, si son but était d'obtenir quoi que ce soit de moi, elle ne se serait jamais énervée et ne m'aurait jamais insulté de la sorte. Toute personne ayant un minimum de bon sens ne tenait pas ce genre de propos envers quelqu'un qu'elle souhaite manipuler.

    Cela suffit pour m'intriguer.

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