CHAPITRE 33

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Je m'installe sur le canapé du salon, le journal dans les mains. Si les indications de Tom sont exactes, la couleur noire fait référence au négatif et le bleu au positif.

    Je saisis le bord de la couverture du journal avec une certaine appréhension. J'ai l'impression de tenir un objet précieux qui pourrait changer toute la perception du monde. Du moins, mon monde.

    Après une dernière hésitation, je me lance enfin et l'ouvre.

Les premières pages sont difficiles à regarder. Des mots violents tels que « immonde », « abominable » ou encore « hideuse » sont griffonnés dans tous les sens au stylo noir. L'encre a bavé à certains endroits. Les tâches sombres sur le papier ressemblent fortement à des larmes séchées. Les traits des lettres sont appuyés, montrant la dureté de l'écriture. Je peux ressentir toute la détresse qui en émane à chaque nouveau coup de crayon.

Comment peut-elle se dénigrer ainsi?

Incapable d'en soutenir davantage, je fais défiler plusieurs pages jusqu'à trouver un vrai texte, toujours écrit en noir.

« Je ne veux plus jamais revoir l'expression que j'ai perçu dans les yeux de Tom lorsqu'il est venu me voir aux urgences. Dans mon envie de mourir, je n'ai pas pensé à ceux que je laissais derrière moi. Je veux voir mon frère grandir et continuer à le faire rire, comme avant. »

Leurs chamailleries pendant la partie de jeu de société prend soudain une toute nouvelle dimension. Elles paraissent plus précieuses à mes yeux.

« Je déteste le regard que ma famille porte sur moi. Ils ont de la peine et s'inquiètent constamment. Je n'ai même plus le droit de fermer ma chambre à clé!
    Je suis persuadée que Tom a informé nos parents du fait que je lui ai demandé d'enlever les miroirs dans ma chambre. Savoir qu'ils étaient là me rendait malade. Je passais mon temps à éviter mon reflet. »

Donc cette histoire de miroir est bien réelle!

Je me sens plus idiot que jamais. Je n'ai pas pris le sujet au sérieux lorsque Joyce m'a avouer que c'était pour cette raison qu'elle ne prenait jamais l'ascenseur. Cela m'avais semblé tellement absurde sur le moment, que je n'osais pas y croire.

Je balaye la pièce du regard.

    Aucun miroir en vue.

    Je me lève pour vérifier dans la salle de bain. En ouvrant la porte, je reste figé. Le mur légèrement jaunit laisse imaginer un meuble carré qui a été retiré au dessus de la vasque.

    Je passe ma main dans mes cheveux, à deux doigts de me les arracher. Les indices étaient sous mes yeux depuis tout ce temps et je n'ai rien vue!

Comment ai-je pu passer à côté de ça?

    Je suis entré dans cette salle de bain lorsque Joyce s'est faites agressée! C'était là! Devant moi! Et je n'ai absolument rien vue!

    Il va falloir régler cette peur!

Énervé contre moi-même, je retourne m'asseoir pour me calmer avant de continuer de feuilleter le carnet.

« C'est un énorme soulagement de faire cours à la maison! Je n'ai plus à subir les moqueries et ricanements de Lucas et ses amis. Je ne pouvais pas m'empêcher de repenser à ses mots chaque fois que je le voyais.

    En entendant des élèves parler dans les couloirs, j'ai appris que me baiser lui avait rapporté vingt euros. Il a sûrement dû les utiliser pour s'acheter sa nouvelle paire de baskets. »

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