Allongée et recroquevillée dans mon lit, j'entends la porte de mon appartement s'ouvrir.— Joyce?
Je reste muette.
Je m'en veux de ne pas lui répondre. Tom a tout de même parcouru plus de six-cents kilomètres pour venir jusqu'ici. Mais je ne peux pas oublier ce qu'il vient de dire devant Dugas. J'aurais préféré qu'il ne soit jamais mis au courant de cet événement de mon passé.
Des bruits de pas longent le couloir avant de s'arrêter près de ma chambre qui est restée entrouverte. Lui tournant le dos, je ne peux qu'imaginer ses gestes.
— Pourquoi es-tu venu? demandé-je simplement en regardant le ciel nuageux par la fenêtre.
La porte grince, signe que Tom vient de l'ouvrir entièrement.
— Les parents m'ont dit que tu les avais appelé pour prévenir que tu rentrerais. Je m'inquiétais pour toi.
— Je vais bien.
Je ne voulais même plus démissionner. Ces derniers jours, j'avais vraiment crus trouver une bonne raison de rester ici. Quelque chose qui en valait la peine. Ou plutôt, quelqu'un.
Que va penser Dugas de moi maintenant?
J'ai presque passé la semaine entière avec lui et Alice. J'ai aimé être avec eux et me suis sentie à l'aise en leur présence. Je ne veux pas que ça se termine et qu'il prenne ses distances avec moi.
Après s'être bruyamment raclé la gorge, Tom reprend:
— J'ai fais la connaissance de ton collègue. Il est sympa.
— Ce n'est pas mon collègue Tom, mais mon patron.
— Ton...
Je sens le matelas pencher. Mon frère vient apparemment de s'asseoir au bord du lit.
— Oui. Et après ce que tu as dis dans le couloir, il va me prendre pour une folle.
— Je t'assure que tu es loin d'être folle Joyce. Et il le sait très bien.
— Je n'en serai pas si sûre à ta place.
Il y a un long silence durant lequel Tom se lève pour contourner le lit. Il s'agenouille face à moi et presse une main sur mon bras. Avec le temps, ce geste m'est devenu familier. Chaque fois que l'un de nous en a besoin, l'autre pose sa main sur lui en signe de soutien. Nous n'avons pas forcément besoin de le dire à voix haute, nous comprenons l'intention de l'autre.
— Pourquoi son avis t'importe autant?
— Je ne sais pas.
En vérité, j'ai surtout peur d'admettre que Dugas me plait plus qu'il ne le devrait. Je ne veux pas souffrir une nouvelle fois à cause de mes sentiments.
— Tu sais, je ne suis pas un expert en la matière, mais ce...comment il s'appelle en fait?
— Nicolas Dugas.
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My Red
RomansaÀ vingt-six ans, Joyce décide de déménager à Paris afin de vivre de sa passion pour les livres. Mais lorsqu'elle arrive à la maison d'édition Dugas dans laquelle elle est censée travailler, Joyce reçoit un accueil glacial de la part du chef éditoria...