Chapitre 12

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Je rentre dans ma chambre avec la désagréable impression d'avoir été trahie du plus profond de mon être. Je pensais vraiment qu'elles accepteraient! Pour moi, c'était évident de faire une alliance! C'est ce que font les amis! Je me demande pourquoi personne n'a jamais fait d'alliance, d'ailleurs. Le but, c'est de rester le plus longtemps possible, et, avec quelqu'un, on a plus de chances de gagner!

Mais bon. Elles ne veulent rien entendre. Et de toute façon, je ne vais pas continuer à me morfondre sur ça! Je m'habille, puis m'installe confortablement sur mon lit et continue un livre que j'avais emprunté. C'est un livre ancien. J'espère le finir avant demain, car je l'adore. 

A midi, quand j'entends les filles descendre pour aller manger, je reste dans ma chambre et attend qu'elles soient remontées pour aller manger. Je n'ai pas envie de leur parler, et encore moins de les voir. 

C'est avec soulagement que je termine mon livre, un peu avant que les filles remontent. Je m'installe à notre table habituelle, qui est déjà nettoyée et débarrassée. Je commence mon entrée, une salade de tomates. C'est bon, et j'apprécie le repas, même si ça fait bizarre de manger seule. 

Soudain, je vois une personne entrer dans mon champ de vision. Inconsciemment, je me raidis, prête à en découdre si l'inconnu me veut du mal. Je lève la tête, et remarque que l'inconnu ne m'est pas si inconnu que ça: c'est Matthias, le garçon avec qui Déva avait discuté dans l'avion et qu'elle trouvait beau. Je lève un sourcil inquisiteur, et attend que le jeune homme s'explique.

— Tu sais lever un seul sourcil? dit- il avec étonnement. Prise au dépourvu par cette question, je bredouille:

— Je... Oui, oui. C'est un de mes rares talents. Matthias semble impressionné.

— Cool.

— Qu'est- ce que tu fais là? je demande, méfiante. 

— J'ai remarqué que tu étais toute seule, et je voulais voir si il y avait un problème.

— Oui, et bien ça ne te regarde pas, je rétorque, agacée.

Il lève les mains en signe de défense:

— Pardon, je ne voulais pas être agressif! C'est juste que je te vois toujours fourrée avec les mêmes filles, alors je me posais la question, c'est tout! Du coup, qu'est- ce qu'il y a?

Je n'ai aucune envie de me confier à lui, mais je sens qu'il ne va pas me lâcher, alors autant lui dire:

— C'est juste que je leur avais proposé de faire une alliance, et elles ont refusé. C'est tout.

— Ah mince. Je suis désolé pour toi. Ca doit être dur.

— Je suis surprise.

— Pourquoi?

— Parce que j'étais quasiment sûre que tu allais me dire "noon, mais c'est pas grave, il faut relativiser dans la vie", dis-je en prenant une voix aigue et insupportable.

Matthias éclate de rire:

— Non, pas du tout. Tu as le droit de te sentir trahie. Je pense que j'aurais réagi pareil. C'est pas sympa ce qu'elles t'ont fait! Mais d'un côté, elles ont raison... Je pense qu'elles ont juste peur de devoir te trahir à la fin. Tu devrais aller les voir pour t'expliquer!

Je croise les bras en signe de mécontentement:

— Et en quoi ce serait à moi d'aller les voir? Ce sont elles qui m'ont jetées, pas l'inverse.

— C'était juste une proposition, tu sais! Tu te braques chaque fois qu'on te dit quelque chose!

— C'est faux.

— C'est vrai, et tu le sais très bien. C'est juste que tu ne veux pas l'admettre. 

Il m'énerve, à m'analyser comme ça! Je fais mine de me lever, mais il me dit:

— Attend, tu n'as pas eu ton plat!

Je me rassoie et le foudroie du regard, bien consciente qu'il a raison. 

— On mange ensemble? me demande- t- il.

— Si ça te chantes. Moi, je m'en fiche, dis- je d'un ton indifférent, bien que cela me fasse plaisir de ne pas manger toute seule.

Quelques instants plus tard, nos plats arrivent. J'ai commandé une pizza, curieuse de savoir ce qu'est ce plat dont je n'ai jamais entendu parler. Quand je reçois mon plat, le visage de Matthias s'illumine:

— Tu as pris une pizza! C'est mon plat ancien favori!

— C'est un plat ancien?

— Bien sûr! Les gens adoraient ça! Et ils ont bien raison, puisque c'est mortel!

— Mortel? 

— C'est une expression ancienne!

— Tu t'y connais, toi, en trucs anciens.

— Evidemment! C'est ma passion!

— Mais c'est pas intéressant!

— Bien sûr que si! Le monde ancien regorge d'anecdotes étranges. Et beaucoup de notre façon de vivre vient du monde ancien! Par exemple, tu sais que dans l'Antiquité, une période du monde ancien, il achetaient des humains qui travaillaient pour eux, et qu'ils appelaient "esclaves".

— Mais c'est affreux! Comment on peut faire une chose pareille!

Matthias hausse les épaules:

— C'est dans les gênes des humains, d'être méchant! Mais aujourd'hui, tout va bien puisque chaque ville a sa propre communauté!

— Il y a plusieurs communauté chez nous?

— Tu ne le savais pas? On ne te l'as jamais appris?

— Bien sûr que non! Ce n'est pas au programme solaire!

— Ah oui, pardon. Des fois, j'oublie que c'est mon père qui m'a élevé.

— Tu n'es pas allé à l'école? dis- je, bouche bée.

— Oui, mon père voulait m'enseigner lui- même l'histoire des mondes anciens. Tu sais que là où nous nous trouvons, s'appelait l'Europe avant? C'était un ensemble de pays.

— Ah bon? Ecoute, c'est passionnant mais je dois filer: j'ai un livre à finir! Désolée!

— Aucun problème, répond Matthias. 

Et je pars. Etrange, ce garçon. Il était gentil, tout de même. J'entame mon deuxième livre, jusqu'à l'entraînement avec Anna. 

— Aujourd'hui, on ne va pas s'entraîner. J'estime que tu es prête. 

— Ah bon? Tout le monde doit être en train de s'entraîner, pourtant?

— Je sais. Mais je voudrais juste que cette séance soit entre nous deux, pour te détendre, en quelque sorte. Je sens que tu es anxieuse, en ce moment. 

— Ah. Comme tu veux.

— Si tu as des questions, pose les moi sinon on peut faire ce que tu veux.

— Est- ce que quelqu'un que tu as entraîné à déjà gagné? 

Manifestement, Anna semble déroutée par ma question.

— Mmmm... Non, pas à ma connaissance mais plusieurs de mes candidats ont déjà finis deuxièmes ou troisièmes.

— Cool, répondis- je. Et quelle stratégie me conseillerais- tu?

— Cache- toi. Ne cherche pas la confrontation. Ca ne sert à rien. Franchement, vis ta vie. Sois discrète. Voilà. C'est tout ce que je te conseille. C'est court, hein? dit- elle en souriant.

— Ok. Je vais vivre ma vie. Compris.

Je pense que je suis prête. Après cinq jours d'indécision, je suis enfin prête. Cherchez moi, je vous cueillerais au tournant.  

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