Chapitre 34

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Instinctivement, je plisse le yeux, afin d'éviter que la neige les atteignent. Puis, je fais un pas, puis deux, hésitante. Malgré mes nombreuses couches de vêtements, le froid s'insinue en moi, me colle à la peau, s'agrippe à mon visage, mes jambes, bras, torse... Puis c'est bientôt tout mon corps qui se transforme passant de douce chaleur réconfortante à froid mordant. 

Je me force à avancer, avec un seul objectif en tête; passer deux heures dehors. Mais le désespoir m'envahit, brisant ma détermination mentale à coup de petites phrases décourageantes, comme "de toute façon, tu vas mourir congelée", ou encore "tu veux tenir deux heures dans cde froid? Laisse moi rire!". 

Les secondes semblent durer des années. Je vieillit, ce jour là, mes cheveux grisonnent, mon visage se parchemine de rides, mes yeux se fatiguent, mes os me font souffrir, chaque parcelle de mon corps me hurle de m'asseoir, pour ne pas me relever. A bout autant physiquement que mentalement, je m'écroule sur un banc recouvert de gel. Il me semble que la température a chuté d'au moins dix degrés. 

Je ferme les yeux, me recroqueville, colle mes mains ensemble, mets ma tête dans mes genoux et attends. Quoi? Je ne sais pas. La mort, peut être, ou un concurrent. 

Je ne sais pas quelle heure il est lorsque je me réveille, mais, ce dont je suis sûre, c'est que je vais difficilement pouvoir rentrer chez moi: je suis prise dans une tempête de flocons. Autour de moi, tout est gris, et je vois à peine le banc sur lequel je suis prostrée. Complètement gelée, je tente de me relever, petit à petit, centimètres après centimètres. Je me rends compte que je suis recouverte d'une épaisse couche de neige, alors je m'ébroue faiblement, ce qui n'arrange en rien la situation, puisque des flocons se déposent sur mon manteau à chaque seconde.

Dans un regain d'énergie, je me lève brusquement, maintenant sur mes deux pieds. Le vent me fait flancher, le froid me déconcentre, mais je suis debout, et je vais rentrer chez moi. 

Je parcours les rues de Lyon une main en permanence collée sur un mur, pour ne pas me perdre. Quand je dois traverser une rue, je cours. Je n'aurais jamais pensé que marcher pouvait être un calvaire, pourtant me voilà réduite à tenir en permanence un mur! Mais, envers et contre tout, je réussit à rejoindre mon appartement. Je ne m'étais pas éloignée, en vérité, cent mètres à avancer toujours tout droit, pour pouvoir revenir sans aucun problème à mon appartement. 

Quand j'ouvre la porte vitrée de l'immeuble — non sans efforts passés à chercher la poignée —, une bouffée de chaleur me prend au corps. Peu à peu, mes membres engourdis se libèrent. Et, quand je rentre dans mon appartement, je mets le chauffage sur vingt cinq degrés, pour me réchauffer, et me blottis sous une couverture sur le canapé. 

Enfin parfaitement réchauffée, je me prépare de l'eau chaude avec un sachet de thé, et me poste à la fenêtre: comme tout à l'heure, de la neige tombe toujours, et un vent intense s'est joint à ce ballet glacial. Je prends une gorgée de thé. Le liquide brulant coule dans mon corps, le ragaillardit. C'est un délice pour moi, une récompense, le réconfort après l'horreur. 

Ayant retrouvé l'usage de mes doigts, je me saisis de la tablette, pour évaluer les dégâts. Et ils sont tellement conséquents que je manque de m'étouffer en voyant le nombre d'éliminés: il s'élève à treize. Treize candidats ont abandonné, vaincus par le froid et la terrible neige. 

Notre groupe s'est considérablement réduit, pour mon grand bonheur. Nous sommes moins de vingt, à présent. Je me retient de faire une danse de la joie, et, à la place, me prépare un festin pour me récompenser. 

Pendant que les frites accompagnées du burger chauffent, je vais me doucher. La salle de bain, une immense pièce à la peinture grise et aux nombreuses plantes m'accueille. J'allume la lampe, une sorte de projecteur fixé au plafond, qui diffuse une lumière tamisée dans la pièce, comme pour représenter le soleil traversant les feuillages des arbres. Des plantes, la salle de bain en est d'ailleurs remplie: sur le lavabo, pendant au plafond, grimpant au mur. Elles sont toutes différentes, et envahissent la pièce. Je me croirais presque dans une jungle. Quant à mes pieds, eux foulent un sol en carrelage fait avec de la pierre qui semble tout droit sortie des rivières, pour être placée dans cette salle de bains. Pour compléter le tout, et donner un air naturel à cette pièce, le lavabo est posé sur des branches incrustée dans le mur et, qui doivent, je le pense, cacher les tuyaux. Même système pour les étagères et le miroir, posés eux aussi sur des branches, ce qui donne au final un air d'arbre à ce mur, situé à la droite de la salle de bain. En face de moi, une immense baignoire en pierre de la même couleur que le sol, que surplombe une fenêtre teintée. A droite, une douche, avec des tonnes de boutons, également en pierre. Des jets semblent pouvoir sortir de partout de cette douche: il y en a au plafond, sur le mur, et sur le pommeau de douche.  Une patère en bois supporte un peignoir, et, en dessous, sont sagement rangés des chaussons fourrés. 

Mes yeux s'élargissent à la vue de cet endroit, qui captive tous mes sens. Je me sens décalée, pas assez bien pour me décrasser, dans cette salle de bain qui doit valoir six fois mon appartement.

Toujours impressionnée, j'enlève mes habits, que je pose dans un panier tressé. Je grimpe dans la douche, et active un bouton au hasard. Un jet du mer s'allume alors, et l'eau glacée m'arrive en plein dans le dos. Je pousse un petit cri de surprise, et me recule vivement, avant d'éteindre le jet. 

Reprenant ma respiration, je tente de lire les inscriptions écrites en dessous de chaque bouton. Malheureusement, celles ci sont en anglais, et je n'ai pas appris cette langue à l'école. Je reste plusieurs minutes devant ce véritable tableau de bord, hésitant pour tel ou tel bouton, avant de voir ce que je devine comme être un régulateur de température. Je le règle sur trente huit degrés, puis, certaine de ne plus me recevoir de l'eau gelée en pleine figure, appuie sur un grand bouton bleu fluorescent. 

De l'eau tombe alors du plafond, chaude, réconfortante. Mes muscles se délient, tout mon corps se repose. La buée se colle au vitre, et de l'eau s'évapore pour rejoindre le plafond de la salle de bain. 

Après être restée un long moment sous l'eau, je décide de me nettoyer les cheveux. Par terre, un flacon de shampooing est posé. Le liquide est rose, en sent une odeur que je ne connais pas, mais qui est agréable, douce. Je m'applique plusieurs couches de gel douche, puis, rincée, sors de l'habitacle enfumé. J'enfile le peignoir parfaitement blanc, qui me réchauffe immédiatement.


Après m'être rhabillée, je sors de la salle de bain, les cheveux enveloppés dans une serviette, sors la nourriture du four et m'installe sur le canapé. Je me blottis sous une couverture et mange, l'esprit apaisé. 

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